



du 1 juillet + carte du Canada!

Nos lieux. Nos voix.
Notre pays
Depuis près de 15 ans, Canadian Geographic demande à des Canadiens remarquables de partager leur endroit préféré au Canada. Des retraites familiales au bord d’un lac aux refuges urbains, de la grandeur des montagnes Rocheuses à l’horizon infini de la toundra arctique, des côtes rocheuses de Terre-Neuve aux plages balayées par les vents de l’ouest de l’île de Vancouver, leurs réponses soulignent la diversité géographique du Canada et l’amour qui nous unit.
Ce sont nos lieux. C’est notre pays.
J’ai récemment tourné la première saison de Diggstown en Nouvelle-Écosse, où je n’étais encore jamais allée. Quand j’ai commencé à faire des recherches pour mon personnage, Marcie Diggs, j’ai appris que la Nouvelle-Écosse compte la plus ancienne et la plus grande communauté noire du Canada : North Preston, à Halifax. J’ai eu le plaisir de visiter cette communauté et de découvrir ses paysages vallonnés et verdoyants, les plages de sable blanc à proximité, ses quartiers, ses maisons, ses églises. C’était d’une beauté crue et éclatante.
L’établissement de la communauté noire en Nouvelle-Écosse a des origines douloureuses, ce qui a fait remonter en moi toutes sortes d’émotions. J’ai été d’abord très fâchée et étonnée qu’on ne m’ait jamais enseigné l’histoire des Noirs au Canada et l’importance qu’y tiennent les Maritimes. J’ai grandi à Scarborough, en Ontario, mais j’ai des racines antillaises. Mes parents sont tous deux originaires de Trinité-et-Tobago, et la communauté qui m’entourait était majoritairement caribéenne. Pendant de nombreuses années, j’ai donc cru à tort que la plupart des Noirs canadiens étaient afro-antillais. J’aurais aimé qu’on me parle avant des Afro-Canadiens en général et d’endroits comme North Preston. De nombreuses personnes noires ont joué un rôle fondamental dans la vie néo-écossaise. Elles possédaient des terres et des entreprises, et elles ont fait avancer beaucoup de choses. Il y a par exemple Rose Fortune, la première femme agente de police au Canada, qui vivait à Annapolis Royal. Si j’avais appris tout cela plus tôt, j’aurais su davantage qui je suis en tant qu’Afro-Canadienne.
Visiter l’Arctique canadien est le genre de chose dont on dit qu’elle change la vie. Vous n’avez aucune idée de ce qu’est réellement notre planète tant que vous n’êtes pas allé dans l’Arctique.
On pense souvent qu’il s’agit d’un endroit incolore, couvert de glace, mais c’est en fait un lieu très coloré. Selon la partie de l’Arctique où vous vous trouvez, il n’y a pas beaucoup d’arbres, mais il y a beaucoup de plantes qui prennent des teintes différentes.
La faune de l’Arctique canadien est également impressionnante : ours, morses, baleines, phoques – sans parler de l’étonnante abondance d’oiseaux en de nombreux endroits. Lors d’un voyage avec Adventure Canada, nous étions en bateau et nous nous sommes approchés d’un gros rocher qui semblait de nature volcanique, car d’énormes nuages de vapeur s’en échappaient. Pourtant, il n’y a pas d’activité volcanique dans cette partie du monde. En nous approchant, nous avons vu que la vapeur provenait de centaines de morses qui s’étaient hissés sur ce rocher pour profiter de la belle journée ensoleillée. Les plus âgés se prélassaient sur le rocher, et les plus jeunes s’ébrouaient dans l’eau, se chargeant les uns les autres comme s’ils jouaient au football.
Une autre fois, je suis allé voir un grand champ de stromatolites qui avait été découvert l’année précédente. Les stromatolites sont des monticules fossilisés d’algues bleues qui ont créé l’oxygène dans notre atmosphère il y a des milliards d’années. Notre planète n’a pas été livrée toute prête avec de l’oxygène; elle a été créée lorsque ces organismes ont séparé l’oxygène de l’eau. Chaque fois que vous respirez, vous respirez un héritage de ces mêmes fossiles. Dans ma nouvelle Le matelas de pierres, l’arme du crime est l’un de ces stromatolites. D’ailleurs, le mot « stromatolite » se traduit littéralement par « matelas de pierres », car ces fossiles sont très pointus et tranchants lorsqu’ils se fragmentent.
L’Arctique canadien est fascinant. Que ce soit du point de vue culturel, historique ou géographique, c’est un endroit qui ne ressemble à aucun autre.
L’endroit que je préfère au Canada est l’île dont je suis propriétaire. Le jour de la fête du Canada 1987, je conduisais mon bateau sur le lac Loughborough, au nord de Kingston, lorsque j’ai vu cette île à vendre. Les îles ne sont presque jamais mises en vente, alors j’ai fait volte-face, je me suis précipité dans l’agence immobilière locale et je leur ai posé la question. L’agent m’a dit que son nom était l’île Loon. C’était le lendemain de la sortie de la nouvelle pièce d’un dollar à l’effigie du huard. J’ai pris cela comme un signe et j’ai acheté l’île, et c’est la meilleure dépense que j’ai jamais faite.
L’île Loon est une bosse de granit d’environ trois hectares située au milieu du lac Loughborough. J’y ai un camp très austère avec une caravane Airstream qui ne roulera plus jamais, une tente de cuisine et un foyer, et je ne pense pas que je vais beaucoup l’améliorer. Au fil des ans, les gens m’ont encouragé à construire une maison ou un chalet, mais j’aime l’ambiance du terrain de camping. Il a l’aspect classique du Groupe des Sept avec ses pins et ses cèdres balayés par le vent. Les levers et couchers de soleil sont magnifiques. Et les repas sont toujours meilleurs quand on se trouve sur l’île.
Avec des amis, nous avons transporté la remorque sur une barge. La toute première nuit que j’ai passé là-bas, nous étions à l’intérieur pour éviter les moustiques lorsque, tout à coup, des huards ont commencé à chanter autour de l’île – d’abord un, puis deux, trois et quatre, avec cette cacophonie accueillante de leurs cris. C’était comme s’ils me saluaient en tant que nouveau résident de l’île.
J’aime y aller pour écrire; j’y ai écrit quelques scénarios et diverses pièces. Mais la plupart du temps, j’y vais simplement pour être là. Il n’y a rien de tel que de se lever le matin, de descendre dans l’eau et de s’y glisser pour nager et de croiser une loutre ou un pêcheur. C’est ainsi que j’entre en contact avec la nature.
J’ai toujours été proche de la nature, mais il y a encore quelques hivers, je n’avais jamais eu l’occasion de m’élancer sur une glace formée par mère Nature. J’ai donc contacté un ami, Paul Zizka, montagnard de Banff, qui m’a dit qu’il serait possible de patiner sur le lac Minnewanka le lendemain matin. Nous nous sommes donné rendez-vous là-bas.
Lorsque j’ai enfin pu fouler cette glace, la sensation était magique. Je patine depuis toujours, et j’ai fréquenté des patinoires intérieures équipées des meilleures technologies de surfaçage. Mais ce n’était rien à côté de la surface parfaitement lisse qu’offrait la glace créée la veille par dame Nature. J’avais l’impression qu’en un coup de patin, je pourrais glisser sans fin. En tant que patineur artistique, j’ai eu la piqûre.
Le lac était si calme que j’entendais le bruit de mes lames, et même celui de la glace. Car la glace sauvage a son propre son. J’avais l’impression d’être au milieu d’une bataille de science-fiction intergalactique tant il ressemble à celui des tirs de vaisseau spatial. C’était tout nouveau pour moi; j’étais totalement hypnotisé. Même que je me suis allongé pour écouter la glace. C’est comme si elle est vivante, qu’elle nous parle.
Cette première expérience sur la glace sauvage a complètement changé ma perception du patinage. Je me sens plus libre parce que la nature est tellement libre elle-même. Elle vous oblige – ou vous inspire – à trouver ce genre de liberté en vous. À compter de là, je ne voulais plus patiner ailleurs. Aujourd’hui, la glace sauvage fait partie de ma vie, pour toujours.
L’île Saltspring nourrit mon âme. Ma maison se trouve sur un terrain de 30 hectares, près d’un petit lac entouré de pâturages et d’une forêt de sapins de Douglas. On voit la silhouette du mont Maxwell flotter au loin, comme si elle surgissait de la mer.
Juste devant la fenêtre de mon studio se trouve un petit verger patrimonial de quatre ou cinq pommiers, et je m’assois souvent pour observer les oiseaux qui visitent les mangeoires. Une ferme datant des années 1930, où ma petite-fille est née à l’étage, se trouve non loin, et chaque fois que je la regarde, je me souviens de ma famille.
Une prairie en pente mène à un marécage bordé de grands cèdres morts et peuplé d’oiseaux. Souvent, le matin, ma femme et moi nous asseyons dans notre lit et observons les pygargues à tête blanche, les faucons et les geais de Steller depuis la fenêtre. Les oiseaux sont une source d’inspiration pour mon travail.
Chaque jour, après le repas du midi, nous parcourons l’un de mes endroits préférés au monde, un ancien chemin de ferme herbeux qui traverse la forêt. Il y a un ruisseau qui coule à travers les bois et de petits étangs remplis de petits poissons de part et d’autre du chemin. De gigantesques Arums d’Amérique, avec leur grand feuillage et leurs fleurs d’un jaune éclatant, bordent les étangs et créent de magnifiques reflets dans l’eau.
J’ai tracé de nombreux sentiers à travers ces bois, comme je l’ai fait partout où j’ai vécu, et chacun d’entre eux comporte des endroits soigneusement choisis où je peux m’arrêter pour profiter de la vue. Mais il y a de nombreuses parties de cette forêt où je n’ai jamais mis les pieds et que je ne verrai peut-être jamais.
Quand on me demandait mon endroit préféré au Canada, j’ai longtemps répondu que j’adorais aller en Colombie-Britannique – c’est l’un des plus beaux endroits sur Terre et, bien sûr, au Canada. Arrive l’été 2017. Nous rendons visite à des amis, à leur chalet au bord du lac Chandos, dans la région de Kawartha, en Ontario, et nous apprenons qu’ils vendent le terrain voisin du leur. Nous passons une fin de semaine magique et… nous proposons d’acheter le terrain!
Après notre premier été au chalet, nous sommes complètement sous le charme. Cet endroit m’a transformé. Mon horaire de travail ayant été modifié, j’ai eu deux ou trois pauses de dix jours, que j’ai passées en grande partie là-bas, à couper du bois et à faire des réparations. Au chalet, je ne sens plus de poids sur mes épaules. Je me réveille, j’emmène mon chien au bord de l’eau et je vais pêcher avant l’aurore. Je regarde le soleil se coucher tous les soirs. Je cuisine à l’extérieur. J’ai même acheté un bateau! C’est une bonne anecdote : mon chien s’était mis à m’abandonner – il sautait sur le bateau de mon ami Mark et passait la journée avec eux. Il m’a fallu acheter un bateau pour garder mon chien! Aujourd’hui, nous nous amusons tous à faire de la planche nautique et à explorer le lac.
Même le trajet en voiture, sur l’autoroute 504, est un beau moment. On prend des paris sur les animaux qu’on va croiser. Famille de dindons sauvages? Chevreuil? Orignal? Ours? Il arrive que des castors traversent la route, de grosses branches entre les dents. Il n’y a pas plus canadien!
Je possède une maison de campagne dans les collines bucoliques de Caledon, en Ontario, à environ 60 kilomètres au nord-ouest de Toronto. Je me sens en harmonie avec la beauté du lieu et tout ce qu’il a à offrir, ainsi qu’avec les personnes merveilleuses et uniques avec lesquelles je me suis lié d’amitié. C’est vraiment une région du monde formidable. Ma femme, mon fils et moi adorons y aller. S’y rendre, c’est retrouver la campagne, où tout se déroule à un rythme plus lent et où l’air semble plus frais, les arbres plus verts, et la faune et la flore plus abondantes.
Je n’ai jamais été du genre à passer de longues heures sur la terrasse à boire une bière ou à lire un livre. J’ai toujours un projet en cours. Ici, je me consacre aux projets que je ne peux pas faire en ville, comme couper l’herbe, planter des arbres, construire un mur de pierres ou ranger la grange. Je me concentre sur les travaux d’extérieur que j’aime faire. Rien n’est plus satisfaisant et gratifiant que de fendre du bois de chauffage, de l’empiler et d’allumer un feu lorsqu’il commence à faire froid. Ce sont des sortes de rituels que je ne considère pas comme des corvées. En fait, j’ai même hâte de les faire.
J’ai également des voisins formidables, dont un agriculteur qui m’a appris à labourer et un apiculteur local qui me rend parfois visite. Je fais de la randonnée en groupe chaque semaine. J’ai l’impression de faire partie de cette communauté et d’y être le bienvenu. Le groupe d’amis que nous fréquentons à Caledon possède plusieurs établissements locaux. Ils ont une petite cidrerie au bout de la rue, un café dans le village, une boulangerie où nous nous arrêtons lors de nos randonnées à vélo et un pub de quartier sympathique. Ce sont les petites destinations uniques comme celles-ci qui rendent cet endroit encore plus spécial. Je ne me lasse pas de venir ici.
En ce moment, l’endroit que j’affectionne le plus est la cabine d’un hélicoptère qui survole les différentes régions du Canada, de la toundra aux prairies en passant par les forêts pluviales tempérées. Ce sont des endroits que je pensais connaître ou que je n’avais pas pu visiter auparavant. Récemment, j’ai survolé l’île Southampton, l’une des îles les plus méridionales de l’archipel Arctique, pour suivre les oiseaux menacés ou en voie de disparition qui nichent sur l’île, comme le bécasseau maubèche. Survoler ce magnifique territoire, voir ses étonnants pourtours ciselés qui se déversent dans la baie d’Hudson et réaliser qu’il s’agit d’un coin du pays que très peu de gens ont la chance de voir, c’était indescriptible.
L’idée qu’il existe une perspective différente de la vie est importante. Il s’agit d’essayer de comprendre l’histoire d’une personne sur la planète à un moment donné, tout en ayant conscience que la nature était là bien avant nous. Quand je suis allée dans l’espace, voir notre planète se détacher de la noirceur de l’univers m’a profondément marquée. C’est pourquoi, depuis mon vol spatial, je cherche des horizons dégagés à la surface de la Terre, comme les Prairies ou l’Arctique. Lorsque nous regardons notre pays d’en haut, tout semble soudain si important, parce que nous voyons le point de liaison entre notre planète et l’univers au-dessus de nous.
Ce qui rend notre pays si spécial à mes yeux, c’est la possibilité d’avoir conscience que la vie est présente sur Terre depuis des centaines de milliers d’années. Cette impression de permanence incite à l’humilité.
Ma femme et moi avons vécu à Nashville pendant dix ans, mais nous avons toujours eu l’intention de retourner en Alberta pour nous rapprocher de nos familles. Nous avons voyagé dans le monde entier, mais un endroit en particulier en Alberta nous attire toujours : la rivière Bow qui traverse Calgary. C’est vraiment l’un de mes endroits préférés.
Je repense aux histoires que me racontait mon père, qui me disait que la rivière était plus sauvage lorsqu’il était jeune, que son courant était plus rapide et qu’elle était plus profonde avant la construction de tous les barrages. Cette image m’a toujours inspirée. C’est le long de cette rivière que Calgary est née, là où les populations autochtones ont choisi d’installer leurs premiers campements. La rivière incarne l’esprit de l’Alberta.
La rivière Bow ne ressemble à aucun autre cours d’eau que je connaisse. Vous pouvez y naviguer en bateau, passer devant la Calgary Tower et sous le Peace Bridge, tout en vous imprégnant des paysages et des sons de la ville. En une heure ou deux, vous pouvez admirer des falaises aux sommets imposants surplombant des vallées majestueuses, des champs de blé et des prairies sauvages. En vous tournant vers l’ouest, vous pouvez apercevoir, au loin, les montagnes Rocheuses enneigées.
Je pense souvent au fait que mon père a grandi là-bas, que j’y ai moi-même pêché, et que maintenant, mes enfants auront la possibilité d’y grandir et d’en faire autant. Je repense au premier voyage de pêche de mon fils à la rivière Bow, lorsque nous avons attrapé une grosse truite brune et que nous l’avons remise à l’eau. C’était tellement spécial de pouvoir partager ce moment avec lui, et j’ai eu l’impression de perpétuer une tradition.
J’ai grandi à Bull River, puis j’ai déménagé à Jaffray, en Colombie-Britannique. Ce qu’il y a de bien avec East Kootenay, c’est qu’il s’agit d’un petit monde en soi. C’est un peu isolé et le rythme de vie n’est pas celui que je connais aujourd’hui. C’est toujours quelque chose que je recherche, tout comme la nature sauvage et les beaux paysages. Chaque fois que j’ai l’occasion d’y passer un peu de temps, cela m’évoque toujours de bons souvenirs et de la nostalgie.
Je me souviens que nous avons beaucoup joué au hockey sur l’étang. Beaucoup de mes amis de la ville qui pratiquent le hockey ont appris à jouer dans des arénas. Moi, j’ai appris sur les étangs. Si vous aviez des patins, une pelle et un étang, vous aviez tout ce qu’il faut pour jouer.
J’ai commencé à jouer au hockey sur un étang en troisième ou quatrième année. Je me souviens avoir fabriqué des jambières de gardien de but avec de la mousse provenant d’un canapé que quelqu’un avait jeté. Ils n’ont pas beaucoup aidé à arrêter la rondelle par contre. Nous n’avions pas de bandes et la rondelle se perdait dans les congères. Si nous la perdions, nous pouvions utiliser des crottes de cheval gelées que nous trouvions en creusant assez profondément dans la neige.
L’un de mes souvenirs les plus impérissables est probablement celui de ma maison au loin – la buée dans les fenêtres, ma mère en train de préparer le souper – et nous sur l’étang, la neige tombant à travers la lumière, le bruit des bâtons de hockey claquant et des patins s’enfonçant dans la glace.
Il y a quelque chose dans ce mode de vie, avec les milliers d’hectares de silence et de solitude, que j’appréciais quand j’étais plus jeune. Lorsque je retourne dans ce monde, je gagne en perspective et en paix intérieure. J’adore me retrouver dans ces endroits de mon enfance.
Halls Harbour n’est qu’à 15 minutes de chez mes parents; nous y allons généralement après l’église le dimanche. Il s’agit d’un endroit merveilleusement transformateur et toujours spectaculaire, situé dans la région de la vallée de l’Annapolis, dans la baie de Fundy, où les marées sont les plus hautes du monde.
Je me souviens que lorsque mes parents ont déménagé pour la première fois en Nouvelle-Écosse, j’ai pensé que ce serait un tout nouveau monde, que l’on aurait l’impression d’être si loin de l’océan. Mais la réalité est que la vallée se trouve juste à côté de la côte. Et elle a une beauté propre à elle : vous pouvez voir toute son étendue, la terre et le sable rouge et d’étranges paysages d’argile. C’est un paysage unique.
Il y a beaucoup de vent à Halls Harbour. Cela fait partie du spectacle. Je peux sentir le vent, les algues et le sel. Pour moi, c’est l’appel des Maritimes. Lorsqu’on arrive ici en provenance d’un grand centre urbain, on le sent immédiatement. L’air pur de l’océan.
C’est tellement fascinant de voir tout cela à travers les yeux de mon fils. Il n’a pas tout à fait deux ans et il se promène en longeant les planches du quai, se moquant des mouettes et s’amusant à ramasser des cailloux sur la plage. Lorsqu’il vente et que son visage est fouetté par le vent, il trouve cela hilarant. C’est formidable. Je redécouvre tout ce qui fait le charme de l’endroit. Lorsque je m’attarde aux choses qui captent l’attention de mon fils, cela capte ma propre attention et m’aide à redécouvrir ces lieux avec un nouveau regard.
J’ai vu beaucoup de choses dans ma vie. Mes aventures m’ont conduit partout au Canada et dans le monde entier. Je ne pense pas qu’il y ait un seul pays sur la carte que je n’ai pas visité. Mais lorsque j’ai un petit moment de tranquillité et que je pense à ce qu’est vraiment mon chez-moi, ce que je vois, ce sont les aurores boréales au-dessus d’Eagle Plains, au Yukon.
La première fois que je les ai vues, c’était lors d’un vol de reconnaissance avec mon vieux copain Leo Bachle, à la fin de l’été 1943. J’étais en congé après avoir combattu l’infâme armée nazie en Europe, et Leo et moi avions décidé de nous envoler pour le Yukon afin d’y trouver un peu de tranquillité et d’y pêcher. Eh bien, lorsque j’ai vu ces aurores se déployer au-dessus de la forêt rougeoyante et danser dans ce vaste ciel, j’ai été rempli d’admiration et d’une fierté sereine. Lorsque j’étais enfant, je n’avais jamais vraiment cru que les aurores existaient réellement; je pensais qu’il s’agissait d’un phénomène que l’on pouvait lire dans les livres d’histoires. Mais une fois que je les ai vues, j’ai su que je ne l’oublierais jamais, car il n’y a rien qui puisse égaler ce spectacle.
De nos jours, je ne prends pas souvent l’avion, alors quand l’automne pointe le bout de son nez, je fais un bout de chemin sur la route Dempster et je trouve un endroit où faire de la randonnée, en respirant l’air frais et pur et en attendant que le ciel s’assombrisse et déploie ses couleurs. Je n’ai jamais vu les aurores deux fois de la même manière – elles changent d’un moment à l’autre et d’une nuit à l’autre. C’est peut-être justement ce qui me fait revenir.
Native de Fort McMurray, en Alberta, j’ai grandi dans la communauté voisine d’Anzac. À l’époque, on saluait invariablement tous les gens qu’on croisait. On partageait la viande d’orignal, on cultivait des potagers et on pêchait. On riait, on se racontait des histoires, et on chérissait nos musiciens, nos danseurs et nos gigueurs. Une voie ferrée qui traversait la communauté nous reliait au monde extérieur.
C’est également à cette époque que des entreprises sont venues à Fort McMurray pour y faire de la prospection pétrolière et gazière. Aujourd’hui, la ville est connue comme le cœur des sables bitumineux, mais j’en garde un souvenir très différent. J’ai quitté la communauté à l’âge de 15 ans pour aller à l’école secondaire. Lorsque je suis revenue 15 ans plus tard avec mon fils, dans le même train que celui à bord duquel j’étais partie, le monde que j’avais connu n’existait plus.
Il y avait maintenant des routes, des lignes et des puits partout. Les maisons avaient disparu pour faire place à des stationnements boueux. Les animaux dont nous vivions n’avaient plus le même goût. Tout était presque méconnaissable, mis à part quelques arbres qui portaient encore les gravures que j’y avais faites des années auparavant. Je ne me sentais plus chez moi.
Je suis toujours nostalgique de la beauté des lieux, mais j’ai réussi à développer une nouvelle relation avec la Terre. Où que j’aille, c’est un endroit auquel j’appartiens – qu’il s’agisse des badlands, des montagnes ou de la forêt boréale, j’accepte leur appartenance au monde qui nous a vus naître et dans lequel nous vivons. L’exploitation minière appauvrit cet organisme vivant dont nous faisons partie et a des répercussions sur nous tous, de l’air que nous respirons à l’eau qui nous entoure. Tout est lié; les océans sont la matrice de la Terre mère. Tous les endroits où nous nous trouvons sont connectés aux autres.
Lorsque je suis devenu poète, vers l’âge de 15 ou 16 ans, Halifax m’offrait une grande stimulation, mais je savais qu’il était nécessaire pour moi d’être à Three Mile Plains. Three Mile Plains se trouve à 70 kilomètres au nord-ouest d’Halifax, en direction de la ville de Windsor, où je suis né. Depuis environ 1760, des Néo-Écossais noirs vivent ici, suite à l’arrivée de dizaines d’esclaves amenés par les planteurs. Ma propre famille maternelle est arrivée sur la côte sud en 1813 pour ensuite s’installer à Three Mile Plains quelques années plus tard.
Le gouvernement colonial a octroyé aux personnes noires appauvries des parcelles de terre de mauvaise qualité. C’étaient des terres incultivables, marécageuses et rocailleuses. Mais des communautés se sont formées. Peu importe la discrimination vécue, les gens avaient une identité et un ancrage sur leur petit coin de terre inhospitalière. Parce qu’en esclavage, on ne possédait pas ses enfants – ils pouvaient être vendus à tout moment, tout comme les parents. Dorénavant, d’anciens esclaves pouvaient dire « c’est mon lopin de terre, mon pitoyable lopin de terre non productive et non arable, mais c’est le mien; c’est ma maison, ce sont mes enfants, c’est mon mari et c’est ma femme ». Que de telles relations existent et soient enracinées dans un lieu, c’était extraordinaire.
Three Mile Plains a d’abord habité mon imaginaire. Le vécu des habitants a constitué la base de toute mon œuvre. Aujourd’hui, lorsque je me promène sur mon terrain à Three Mile Plains, je lève les yeux et je ne vois que des branches d’arbres, jusqu’au Ciel. Mes pommetiers, mes épicéas, mes pins, mon herbe, mes fourmilières, mes squelettes de castors : tout est merveilleusement mien. Et peut-être qu’un jour, j’y construirai quelque chose.
Saskatoon est l’un des endroits que je préfère au monde. C’est de là que je viens et j’en suis très fier. Alors, ne jamais avoir entendu parler du parc patrimonial Wanuskewin – un site qui existe depuis plus longtemps que certaines pyramides égyptiennes – était assez embarrassant!
Lorsque j’ai récemment visité le parc pour la première fois, j’ai rencontré Ernie Walker, l’homme qui a fait de sa vie une passion, non seulement pour maintenir le parc en vie, mais aussi pour partager ses merveilles avec le monde entier en plaidant pour qu’il soit ajouté à la Liste indicative des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO au Canada. Un site protégé comme celui-ci, avec sa riche histoire en tant que terrain de chasse au bison et lieu de rassemblement des peuples autochtones depuis des milliers d’années, est exactement ce dont nous avons besoin dans le monde d’aujourd’hui. Nous sommes tous sur nos appareils et le monde bouge tellement vite en ce moment, alors mettre nos téléphones de côté et reprendre contact avec la nature, c’est tout simplement renversant. On m’a fait visiter le site et, bien qu’il pleuve, l’odeur de la terre et des fleurs était enivrante. Nous oublions ce que la beauté et la puissance de mère Nature peuvent faire à nos âmes. En parcourant les sentiers, j’ai ressenti un attachement à la terre, à la Saskatchewan et à ce que ce lieu était pour les peuples autochtones des plaines du Nord qui y ont vécu il y a 6 000 ans. C’est toute une leçon d’humilité.
Lors d’une fouille archéologique à laquelle j’ai participé, j’ai trouvé une pierre qui avait des arêtes très vives et des marques gravées. Ernie m’a dit que j’étais la première personne à toucher cette roche depuis 700 ans. J’en suis resté bouche bée.
Le marais de Cootes Paradise, qui flanque à l’ouest le port de Hamilton, est un joyau méconnu. Quand on traverse le pont Skyway, on aperçoit la ville, les aciéries et le patrimoine industriel de Hamilton. Mais Cootes Paradise est une zone humide protégée, un vestige du passé encore vierge. J’aime à imaginer qu’en 1669, quand l’explorateur français René-Robert Cavelier de La Salle a rencontré des Autochtones de la région, le paysage était identique.
Cootes Paradise est une immense étendue pleine de méandres et de recoins, où l’on trouve une faune abondante – le marais fait d’ailleurs partie d’une réserve mondiale de biosphère de l’UNESCO. Sa beauté physique, que crée la rencontre des eaux calmes de la baie et de l’escarpement du Niagara, m’émeut énormément. Quand j’étais à l’école primaire, j’y allais en randonnée avec mes amis. À l’époque, les enfants avaient beaucoup de liberté! Nous prenions l’autobus depuis l’extrémité est de la ville jusqu’au bout de la ligne, puis nous marchions. Quel plaisir avons-nous eu à jouer dans le marais, dans les jardins botaniques royaux adjacents et sur les sentiers!
Hamilton compte beaucoup de bouleaux, et ceux-ci se portent bien à Cootes Paradise. Je me souviens avoir passé des heures à regarder de gigantesques bouleaux tout en me confectionnant des sifflets avec l’herbe large qu’on retrouve dans le marais. J’adorais me balancer au bout des lianes qui poussent sur les arbres. Un jour, nous avons complètement perdu la notion du temps. Nous avons levé les yeux et il faisait tout à coup nuit! C’était une journée magique, comme dans Les Aventures de Huckleberry Finn.
Je suis originaire de Cuba et j’avais à peine 24 ans lorsque je suis arrivé au Canada. Dès ma première visite, ce pays m’a conquis.
Après avoir vécu à Victoria pendant quatre ans, ma femme et moi avons décidé de déménager à Smithers, en Colombie-Britannique, pour nous rapprocher de sa famille. Nous avons un chalet d’été à l’extérieur de la ville, au lac Kathlyn. C’est mon endroit préféré : j’enfourche mon scooteur et j’y vais avec ma guitare dans le dos. Le chalet est situé au bord du lac, au pied du mont Hudson Bay. Il s’agit d’un très petit chalet, avec une seule chambre, une salle de bain et une cuisine, mais il se trouve dans un environnement magnifique. Je me sens très chanceux d’avoir si facilement accès à la nature. Le huard, un oiseau magique, est souvent présent. Il y a quelques années, j’ai commencé à imiter son chant, et parfois je reçois une réponse.
Je vais au lac Kathlyn dès que j’en ai l’occasion, surtout lorsque je suis en tournée depuis longtemps. Pendant les journées chaudes, nous nageons, nous faisons de la randonnée, nous pêchons et nous faisons du feu pour rôtir les aliments. Parfois, je me détends avec un cigare cubain et une bière IPA en jouant de la guitare. C’est un endroit paisible, et j’y ai écrit un certain nombre de chansons, dont Vale Todo, qui ouvre mon cinquième album, Healer.
Déménager à Smithers a été l’une des meilleures décisions de ma vie. De nombreux professionnels du secteur pensent qu’il est absurde de s’installer dans une région éloignée en tant que musicien, car on est censé rester en ville si l’on veut continuer à avoir du succès. Je ne vois pas les choses de la même façon. Au lieu de cela, je me suis dit qu’il était temps de faire passer ma famille en premier. Et Smithers m’a rendu très créatif dans ma musique. J’ai le temps de m’y consacrer, et maintenant j’ai la concentration nécessaire.
J’ai visité tant d’endroits incroyables au Canada, de l’embouchure du fleuve Mackenzie à l’extrémité nord de Terre-Neuve, en passant par d’innombrables autres entre les deux. Mais l’endroit qui m’a le plus marqué est Lake Louise.
Je me suis retrouvé à vivre dans les montagnes Rocheuses dès la fin du secondaire, fuyant une relation qui n’avait pas fonctionné, et tombant amoureux de la beauté sauvage de l’Ouest. J’ai vécu à Banff pendant un an en tant que préposé aux chambres dans une station de ski, et j’ai passé l’été suivant à Lake Louise à peindre des maisons. C’est à cette époque que j’ai commencé à me plonger dans la musique et à me produire en spectacle. Presque tous les soirs après le travail, je retrouvais mes amis pour jouer de la guitare, prendre un verre et rire tous ensemble. Je me souviens comme si c’était hier de mon ami Mike et moi, marchant sur une route en pente depuis un terrain de camping et, même si la montée était ardue, chantant à tue-tête Late for the Sky de Jackson Browne.
Les Rocheuses ont quelque chose de revigorant. Quelque chose de vivifiant. La dernière fois que je suis allé à Lake Louise, ma femme et moi y avons célébré notre 40e anniversaire de mariage. Nous nous endormions au son de la rivière. Le matin, il y avait dans l’air une fraîcheur qu’on pouvait bien sentir, mais le froid ne nous dérangeait pas du tout. Malgré la température glaciale, nous avons profité de l’occasion pour nous baigner partout où nous le pouvions, du lac Moraine à la rivière Bow. Nous avons également fait du vélo de montagne, croisant parfois des panneaux nous avertissant de la présence d’ours dans la région. La montagne a pour effet d’éveiller les sens et de nous faire prendre conscience de chaque instant.
C’est en travaillant comme garde forestier à Spatsizi, au milieu des années 1970, que j’ai découvert le nord de la Colombie-Britannique. Je suis tombé amoureux de ce coin de pays et de ses vastes étendues sauvages. Comme garde forestier, je faisais souvent des ravitaillements à partir du lac Tatogga et survolais le lac Ealue. Je me souviens d’avoir repéré ce chalet de pêche au style singulier. Alors âgé d’une vingtaine d’années, je me disais qu’il serait formidable de pouvoir m’acheter un chalet comme celui-là un jour. Ma femme Gail et moi avons fini par acheter le chalet en 1987. Nous y avons élevé nos enfants. C’est sans l’ombre d’un doute l’endroit le plus spécial du Canada pour moi.
Le lac Ealue se situe sur le territoire de la Nation Tāhłtān. Quand nous avons perdu notre bataille pour préserver le mont Todagin, qui est aujourd’hui le site d’une mine de cuivre et d’or à ciel ouvert adjacente à notre chalet, nous étions dévastés. Je me souviens que ma fille est partie dans l’un de nos vieux canots en châtaignier. Je l’ai trouvée dans l’obscurité en train de sangloter. Elle était très attachée au lac et le projet d’exploitation minière la dérangeait profondément.
Je lui ai promis que, peu importe la tournure des événements, nous attendrions. Je lui ai dit que lorsque la mine serait enfin épuisée, je ne serais peut-être plus là pour assister au retour du monde que nous connaissions ou du silence sur le lac, mais qu’elle, elle le serait, et ses enfants aussi. C’est le sens de la continuité et de la loyauté que j’ai appris des Tāhłtān, parmi tant d’autres choses. Le lac a été un point d’ancrage si riche et si important dans ma vie. Nous, Canadiens, sommes principalement des citadins, mais nous aspirons tous à vivre aux confins de la nature.
J’ai grandi à Forest, une minuscule localité de l’Ontario. Elle ne marque peut-être pas les esprits au premier abord, mais on trouve à Forest quelque chose de vraiment spécial qui m’emplit de nostalgie : le Kineto Theatre.
Fondé en 1917, ce cinéma est l’un des plus anciens au monde à avoir été en activité sans interruption. Il y avait un petit comptoir où on pouvait s’acheter du maïs soufflé au beurre. Je m’installais dans un des vieux sièges rouges affaissés et j’attendais impatiemment que les lumières s’éteignent et que le film commence. C’est un beau petit bâtiment qui a fait partie intégrante de mon enfance et de ma jeunesse. Peu de villages possèdent leur propre cinéma, alors je me suis toujours sentie chanceuse que le nôtre en ait un. C’était tellement agréable de manger une crème glacée entre amis et d’aller ensuite voir la superproduction du moment. Travailler au comptoir alimentaire était un emploi très convoité au secondaire.
C’est au Kineto que mes parents m’ont emmenée voir mon premier film : Blanche-Neige. J’ai dû tenir dix minutes tout au plus, parce que l’une des premières scènes du film, celle où elle court dans les bois, m’a terrorisée. Mais ce sont des souvenirs comme ceux-là qui me rendent le plus nostalgique.
J’ai maintenant de jeunes enfants, et je suis impatiente de les emmener à Forest et au cinéma du village quand ils seront plus vieux. C’est une sensation incroyable d’être déposé par ses parents au Kineto pour aller voir un film tout seul pour la première fois. C’est un de ces moments qui permettent de goûter à l’indépendance.
Le premier endroit où j’emmène les gens qui me rendent visite à St. John’s est le sentier North Head du lieu historique national de Signal Hill. C’est l’une des plus belles promenades de toutes les villes du monde, rivalisant avec la route de la digue autour du parc Stanley de Vancouver ou avec n’importe quelle promenade entre les plages de Sydney, en Australie.
La première fois que j’ai emprunté le sentier, c’était à l’âge de 19 ou 20 ans, peu après avoir déménagé à St. John’s, mais le bonheur que j’y trouve est le même aujourd’hui qu’il y a 25 ans. Il est toujours aussi beau et présente le même défi physique – je me retrouve maintenant à le parcourir pour l’exercice plusieurs fois par mois en été. Il est également de niveau assez difficile, car certaines parties n’ont pas été modernisées. À certains endroits, il faut encore tenir une chaîne pour assurer la stabilité, mais c’est ce qui le rend si authentique.
Si vous montez à la tour Cabot, au sommet de Signal Hill, vous aurez une vue imprenable sur l’océan d’un côté et sur la ville de l’autre. De là, vous pouvez emprunter le sentier jusqu’à l’endroit où vous pourrez voir le cap Spear – le point le plus à l’est de l’Amérique du Nord – et, si vous êtes là à la bonne période de l’année, des icebergs ou des baleines. Le sentier vous conduit également le long des collines rocheuses escarpées qui surplombent The Narrows, l’entrée du port de St. John’s. Lorsque vous vous trouvez sur cette partie du sentier, vous pouvez vous retourner, regarder la ville et imaginer que vous voyez ce que les premiers marins ont pu voir il y a bien longtemps.
Quand nous nous sommes rencontrées, nous avions envie de voyager et de passer un maximum de temps dans la nature, et c’est ce que la vie en fourgonnette nous a permis de le faire. Nous étions toujours à la recherche de lieux isolés et, sans même savoir que ça nous intéressait, nous trouvions toujours des sites hors réseau. Notre terrain et notre petite maison, c’est exactement ce que nous recherchions à bord de notre camionnette. Il y a tout ce que nous aimons de la nature et du camping, mais cette fois-ci, ça nous appartient. De tous les lieux visités au Canada, c’est ici que nous nous sentons le plus chez nous – et on a quand même traversé le pays trois fois. Ce qu’on aime des Maritimes, c’est la chaleur des gens et le rythme de vie plus lent. On peut vivre loin de tout, tout en n’étant qu’à une heure et demie des magasins.
Bien sûr, nous avons choisi un site très isolé et en pleine nature – c’est ce qui nous a toujours attirées. On aime y vivre ensemble et on s’y sent vraiment nous-mêmes. Nous avons un petit lac, très calme, parfait pour le canot et le kayak. Une rivière traverse le terrain, et on voit les truites nager jusqu’à la mer. Avant d’installer l’électricité, nous avons connu des moments difficiles, mais ces défis nous ont rendues plus résilientes. Vivre ici peut être une source d’isolement, c’est pourquoi nous nous faisons un point d’honneur de recevoir nos amis et notre famille. Tout le monde vante le calme des lieux et dit se sentir plus présent. Ici, les gens trouvent un véritable repos – ils font une vraie pause. Chaque matin, nous prenons notre café et nous marchons jusqu’à la rivière. Se réveiller en pleine nature, on ne s’en lasse pas!
Si je cherche à faire une pause dans ma vie ou dans mon quotidien, Parksville, en Colombie-Britannique, est l’endroit où je m’évade. Mon mari et son frère avaient l’habitude de camper dans les environs lorsqu’ils étaient jeunes, d’où la nostalgie qui se dégage de ce lieu. Nous y avons emmené ma fille lorsqu’elle avait deux ans et, depuis, nous y retournons chaque mois d’août pour renouer avec la famille de mon beau-frère.
Parksville est une petite ville où tout est construit en fonction de l’eau, avec de grandes plages qui s’étendent sur des kilomètres. Le sable est doux, éclatant et fin, et l’odeur fraîche de l’air marin vous remplit les poumons. Des milliers de petites taches gélatineuses scintillent à la surface de la plage. Tout cela est très magique. On a l’impression que tout y est beaucoup plus lent et plus calme.
Lorsque je me tiens sur le rivage, j’ai l’impression qu’il n’y a pas d’horizon, que je peux simplement marcher vers l’eau et continuer à marcher. L’endroit semble vierge, sans entrave, propre et isolé. On y entend le chant des oiseaux et les rires des enfants. La paix m’envahit.
L’un de mes livres, Washington Black, raconte la découverte du monde naturel par un homme qui tombe amoureux de la vie marine. En l’écrivant, j’ai commencé à m’intéresser à la classification des plantes et des animaux, et à apprendre quelles espèces sont originaires de certaines régions. Je pense que Parksville incarne cette passion.
Lorsque je suis là, je me sens enracinée et nous avons tendance à avoir des conversations plus profondes, plus intimes et plus philosophiques. Il y a vraiment quelque chose de spécial dans le fait d’être à Parksville qui nous permet de nous connecter à un autre niveau.
Si je pouvais être n’importe où, ce serait dans mon chalet d’été de Stag Island, près de Sarnia, en Ontario. C’est toujours l’un des rares endroits sur Terre qui me donne vraiment l’impression d’être chez moi. C’est une maison minuscule et simple qui a été construite en 1896, et c’est un endroit où je vais depuis que j’ai deux ans. C’est un refuge, où on me traite comme tout le monde et où je me sens très proche de la simplicité de la vie et de la nature. Je pense qu’une grande partie du Canada ressemble à cela.
Mon meilleur souvenir de cet endroit n’est pas vraiment lié à un moment en particulier, c’est plutôt un sentiment. Chaque jour se déroule en toute simplicité, sans rien de prévu et sans entrave. Il n’y a pas d’obligation, juste une liste de choses que vous pouvez faire et une liste de choses que vous n’avez pas à faire. Vous pouvez passer toute la journée à lire un livre, ou à faire du canot dans les petits plans d’eau, ou à vous promener au sud de l’île pour voir comment se portent les jeunes chênes. L’endroit est empreint de douceur depuis toujours.
Il ne s’agit pas d’une destination de vacances, mais plutôt d’un mode de vie. J’y passe la moitié de l’année. Du moins, c’était le cas avant que je ne devienne astronaute il y a 26 ans. C’est d’ailleurs là que j’ai vu Neil Armstrong marcher sur la lune. Comme je le mentionne dans mon livre, An Astronaut’s Guide to Life on Earth, tard dans la soirée du 20 juillet 1969, nous avons traversé la clairière jusqu’au chalet de nos voisins et nous nous sommes entassés dans leur salon, comme à peu près tout le monde sur l’île. Plus tard, en retournant à notre chalet et en regardant la lune, j’ai su ce que je voulais faire dans la vie.
Ma première visite au parc Stanley doit remonter à 1976. Je venais alors de quitter Williams Lake, en Colombie-Britannique, pour aller étudier à l’Université de la Colombie-Britannique. Je voulais m’entraîner, et un de mes amis a proposé d’aller au parc Stanley. En faire le tour dans mon fauteuil, ce fut comme de découvrir un nouveau monde. C’était toute une épopée pour moi qui venais de sortir du centre de réadaptation – je ne connaissais pas encore mon endurance et la distance que j’étais en mesure de parcourir. Je me suis dit : « Si je suis capable, je peux aller encore plus loin. »
À la fin des années 1970 et dans les années 1980, alors que j’aspirais à devenir athlète paralympique, je vivais dans un petit appartement à Kitsilano et j’essayais le plus possible d’aller au bord de l’eau, qui m’a toujours attiré. Lorsque des parties de la digue sont devenues accessibles, le parc Stanley est devenu mon terrain d’entraînement, car je pouvais en faire le tour complet.
Même si le parc se trouve dans une grande ville, on a l’impression de faire corps avec la beauté naturelle de l’écosystème océanique quand on est sur la digue. Au rocher Siwash, on sent vraiment la côte ouest, avec les vagues qui viennent s’écraser sur les rochers. Parfois, à marée haute et par vent fort, il arrive que les vagues passent par-dessus le mur et arrosent le sentier. Il faut bien calculer pour pouvoir passer avant la prochaine vague. Avec un peu de chance, on peut voir un phoque ou même un épaulard ou une baleine à bosse.
Le parc m’a fait comprendre que le monde est accessible et inclusif, qu’il m’est possible d’avoir une vie bien remplie. Il m’a montré que je n’ai pas besoin de guérir pour m’accomplir, m’intégrer et vivre de grandes expériences. C’est vraiment motivant.
On m’a invité à participer à un festival littéraire à Wood Point, à Terre-Neuve [à proximité du parc national du Gros-Morne], en 2010. J’y suis allé avec ma femme et mes enfants et nous sommes tombés amoureux de l’endroit. Nous n’avons cessé d’y retourner depuis. Finalement, nous avons été tellement séduits que nous avons acheté une maison là-bas.
Quand je veux vraiment me sentir connecté à un lieu, dans mon corps et dans mon esprit, j’ai besoin d’en ressentir la géographie. J’aime me déplacer physiquement. Woody Point est l’endroit idéal pour la randonnée, le vélo et le kayak. Les randonnées en vélo sont particulièrement fantastiques; on peut voir des baies et des montagnes, ainsi que le golfe du Saint-Laurent, et il y a peu de circulation.
Terre-Neuve, nous le découvrons, est un endroit particulièrement bourdonnant d’activité, surtout en ce qui concerne les artistes, les peintres et les sculpteurs. On trouve un auteur à chaque coin de rue. Ce n’est pas tant la géographie qui m’inspire pour écrire, mais elle me permet de me consacrer entièrement à l’écriture parce qu’elle me donne du temps et de l’espace. Il n’y a pas beaucoup de distractions, sauf pendant la semaine du festival des auteurs.
Et c’est l’un des événements que nous aimons le plus au village – ce fabuleux festival littéraire appelé Writers at Woody Point. Les gens font plusieurs heures de route pour y assister. L’événement réunit des auteurs formidables et attire un public passionné et dévoué. En peu de temps, c’est devenu l’un des festivals littéraires les plus populaires et les plus courus.
Quand je suis ici, je me sens plus tranquille, plus calme et beaucoup plus concentré sur ce qui m’importe vraiment : écrire, prendre du temps avec ma famille et ralentir pour lire. Cela me donne l’impression de profiter de la vie à son meilleur.
Lorsque j’étais enfant, ma famille possédait un chalet au bord du lac Six Mile, dans la région de Muskoka, en Ontario, et nous y passions tous nos étés. J’aime être au bord du lac, dans la nature. Je me suis fiancé à Muskoka et je m’y suis marié aussi. C’est le plus bel endroit au Canada.
D’abord pour le lac. L’eau est douce, claire et chaude. Il n’y a pas trop de monde. On y trouve des chalets nichés dans les bois et construits sur des rochers. Il y a quelques rapides à l’une des extrémités du lac, et le simple fait de s’asseoir à proximité et d’écouter l’eau couler est si paisible. Je me sens tellement déconnecté de l’agitation de Toronto, qui pourtant se trouve à seulement 90 minutes de là. On a l’impression d’être éloigné et isolé. C’est l’endroit idéal pour s’évader.
J’aime y aller avec ma famille et mes proches. Je ne dis pas qu’on vit à la dure là-bas, mais on est un peu plus en contact avec la nature. C’est un lieu qui rassemble les gens. S’asseoir autour d’un feu le soir est un moment idéal pour se retrouver et parler de choses dont on n’a pas l’habitude de parler. C’est un endroit propice aux contacts avec les gens.
Muskoka m’inspire parce que c’est là que je veux prendre ma retraite et finir mes jours. Je pense à ma vie après le monde trépidant du sport automobile, et c’est vraiment là que je veux être. Sur la route, je suis hyper concentré sur le travail. C’est un travail constant, et je suis toujours préoccupé par la prochaine course ou la prochaine apparition en public. Quand je vais au lac, le monde s’arrête. Je peux prendre une minute pour reprendre mon souffle et être moi-même, laisser la version détendue de moi-même s’exprimer. J’y trouve beaucoup de bonheur.
Le mot Torngait signifie en fait « lieu des esprits » en inuktitut, et vous pouvez vraiment le sentir lorsque vous êtes dans les monts Torngat. Chaque sommet recèle une présence.
L’été dernier, lors d’une excursion de six jours dans l’arrière-pays, j’ai vu des cercles de pierres qui étaient d’anciens anneaux, et on pouvait deviner qu’ils étaient là depuis très longtemps en voyant les lichens qui les recouvraient. Ce sont les lieux où les ancêtres des Inuits s’arrêtaient lorsqu’ils voyageaient et chassaient dans le Nord. J’ai également vu des inuksuit, de très anciens marqueurs de route. Ils sont présents dans tout le Nord et se présentent sous différentes formes en fonction du paysage. Je les voyais au loin et je me disais : « Ce n’est pas un animal. »
J’ai ensuite visité le camp de base et la station de recherche des monts Torngat. Ils organisent un programme pour les jeunes de la région du Nunatsiavut, au Labrador, et de la région du Nunavik, dans le nord du Québec. Il s’agit d’un programme sous forme de camp en plein air visant à favoriser l’autonomie et le leadership des jeunes Inuits, tout en permettant d’échanger à propos des enjeux de santé mentale. J’ai eu la chance de participer à cette expérience inspirante pour la première fois l’année dernière. C’était agréable de voir des jeunes apprendre de nouvelles choses et tirer des leçons de ces apprentissages. C’était comme une fenêtre ouverte sur la communauté inuite.
Le dernier jour du camp, le personnel a échangé avec les jeunes pour leur parler de leurs forces et de leur potentiel. Certains de ces jeunes viennent de milieux très difficiles, et je n’oublierai jamais le regard dans leurs yeux alors qu’on les complimentait. Cela m’a rappelé mes débuts dans le sport. Je viens moi-même d’un milieu difficile et je me souviens que, pour la première fois de ma vie, on m’a dit que j’étais sacrément douée. Être témoin de ce moment au camp était donc quelque chose de vraiment spécial.
J’ai quitté les monts Torngat avec le sentiment que l’esprit de ce lieu accompagne depuis toujours les générations qui traversent cette terre.
On se sent chez soi là où on se sent aimé, peu importe où. Lorsque j’ai immigré au Canada en 2012, ce n’est pas le magnifique panorama de Toronto ni sa riche culture qui m’ont charmé. Ce sont plutôt les gens qui m’ont accueilli à bras ouverts dans leur ville et qui, depuis, me font sentir chez moi.
À Toronto, je ne vois pas ma couleur. Un hiver, après une grosse tempête de neige, j’ai découvert mes voisins blancs âgés en train de pelleter devant chez moi pour m’aider. Même celui de 87 ans s’activait avec le sourire. Ils ont pris soin de moi depuis le jour où j’ai emménagé.
L’une des personnes qui m’ont invité au Canada m’a aidé pour les démarches administratives et a été mon principal point de contact. J’ai offert de la payer un nombre incalculable de fois, mais elle a toujours refusé. Elle dit que mon sourire fait son bonheur. Les gens ici sont extraordinaires, et s’ils ne le savent pas, il faut le leur dire.
Je me sens en sécurité au Canada, en particulier à Toronto. J’ai grandi au milieu de la violence, de la mort et des traumatismes. Aujourd’hui, je dirige ma propre étiquette de disques et j’ai ma propre entreprise axée sur le bien-être. J’ai grandi dans une zone de guerre au Sud-Soudan et j’ai été un enfant-soldat, AK-47 à la main, à l’âge de sept ans. Mais ici, au Canada, je n’ai pas l’impression de devoir acheter une arme pour me sentir en sécurité. Les gens qui vivent ici me font sentir en paix. Je suis arrivé au Canada les poches vides, et aujourd’hui, ma vie est plein de richesses.
Ma mère possède une maison au bord du lac Hatzic, à Mission, en Colombie-Britannique, et l’endroit est tout simplement magique. C’est un endroit que je ne connaissais pas plus jeune, même si j’ai grandi à environ une heure de route. Ma mère y vit depuis environ six ans. Évidemment, elle compte beaucoup pour moi, et chaque fois que je vais chez elle, j’ai l’impression que je peux me ressourcer.
J’habite à East Vancouver et je me réveille à 6 h 30 au son des camions à ordures, des klaxons et des SkyTrains – des bruits typiquement urbains. Chaque fois que je rends visite à ma mère et que je passe la nuit chez elle, c’est tranquille. On entend le gazouillis des oiseaux, le souffle du vent. C’est un endroit agréable pour recharger ses batteries.
J’arrive devant son entrée par une route isolée et, en face, il y a des champs de bleuets, qu’on trouve à profusion. Ma sœur et moi allons courir autour des champs si nous voulons bouger un peu. De l’autre côté de la maison se trouvent le lac et les montagnes. Un drapeau canadien flotte au vent, et il y a un quai qui mène à l’eau. En été, nous faisons du kayak ou nous plongeons dans le lac quand il fait chaud. En hiver, nous faisons un feu dans le foyer et nous faisons griller des guimauves. Des aigles sont souvent visibles dans le ciel. Ma mère les considère comme ses voisins. Elle vient me rendre visite pendant un jour ou deux pour passer un peu de temps en ville, puis elle dit qu’elle va rentrer chez elle et discuter avec ses voisins, les aigles dans l’arbre d’à côté. C’est un endroit unique.
Le fait d’être au bord d’un lac dans la campagne de l’Ontario est particulièrement spécial pour moi. Ce serait inconcevable de passer un été sans visiter la nature ontarienne, en particulier notre chalet familial, près d’Haliburton. C’est notre port d’attache, même si des visites chez des amis à Muskoka, près de la baie Georgienne et au lac Joseph, sont inévitables.
Enfant, aller à Kenora et dans la région des lacs environnants était un plaisir incroyable pour moi, et je n’ai jamais perdu mon amour de la faune, des élans aux hérons, qui s’est développée dans cette région. J’avais l’habitude d’aller dans le Nord avec mon mari, mais maintenant, visiter la région d’Haliburton est devenu une tradition que nous partageons avec nos enfants, et cela nous procure un sentiment similaire aux expéditions dans des lieux plus nordiques. J’entends les huards, je vois le chemin bordé d’arbres qui mène à la route depuis la porte d’entrée. Les enfants pêchent, font du kayak, courent librement et chassent les lézards et les insectes. Ils peuvent se laisser aller à l’émerveillement.
Il est très important pour moi de retourner chaque année dans cette région. Quand je suis là-bas, je peux couper tous les ponts avec ma vie trépidante et trouver le calme. Je me sens vraiment vivante et présente. Tout désir de choses matérielles semble s’arrêter, et je suis en paix. Je prends du recul, ce qui me permet ensuite de replonger dans ma vie active avec gratitude et une inspiration renouvelée.
En tant qu’artiste, je dois me débarrasser des couches de projection et d’attente qui s’accumulent au fil du temps, afin de mieux recevoir ce qui se présente à moi, ce qui m’inspire vraiment. Visiter le lac me permet de faire exactement cela. J’aime revenir à une version plus simple de moi-même, car il est facile de se perdre dans le chaos des voyages et des spectacles. Dans ce lieu isolé, je me sens transformée par l’intimité et la beauté de la nature. C’est pourquoi j’y reviens toujours.
Quand je suis allé à Haida Gwaii pour la première fois l’automne dernier, j’en suis tombé amoureux. Je viens de l’Arctique, où le paysage est recouvert de neige et dépourvu d’arbres. À Haida Gwaii, la végétation est florissante, tout est verdoyant! Chez moi, je connais le terrain, mais sur ces îles, que je me suis retrouvé à errer parmi les arbres, désorienté.
J’étais là pour participer au tournage de Sgaawaay K’uuna (Edge of the Knife ou « le fil du couteau »), le premier long métrage entièrement tourné en dialectes haïdas. Il s’agit de l’histoire d’un homme qui survit à un accident en mer et devient « l’homme sauvage haïda ». J’ai séjourné dans une maison longue et j’ai pu voir un totem en cours de création pour le mémorial du pensionnat de la communauté. C’était incroyable de voir cet arbre géant se faire sculpter. Dans le Nord, je n’ai que de la pierre à savon à travailler! Tenté, je me suis mis à l’œuvre et j’ai sculpté dans du cèdre une femme inuit portant un bébé sur le dos, que j’ai laissée à mes amis là-bas.
J’ai vu les frayères à saumons, j’ai récolté des palourdes et j’ai vu des phoques et des orques. J’en avais déjà vu avant, mais c’était amusant de les observer dans un nouveau contexte. Je suis également parti à la chasse au phoque avec deux jeunes hommes, mais ils n’avaient pas les bonnes armes – juste deux fusils de grande puissance, ce qui est trop pour un phoque. Nous avons fini par en abattre un, et je leur ai appris à l’écorcher et à le dépecer, puis nous avons partagé un peu de foie cru. Les Haïdas chassaient traditionnellement le phoque, mais la pratique a cessé depuis plusieurs années et les méthodes sont oubliées.
Il arrive que des flotteurs en verre utilisés dans les filets de pêche japonais s’échouent sur la plage. Ce sont de beaux objets. J’en ai cherché, mais en vain. Peut-être que lorsque je retournerai à Haida Gwaii pour assister à la fin de la préparation du film, j’irai dans la partie pacifique de l’archipel et j’en trouverai.
Ma cabane est situé le long de la côte, dans un bras de mer, juste en face de Rankin Inlet, ma communauté. En été, nous sommes à environ 25 minutes en bateau ou à 90 minutes en VTT s’il y a trop de vent pour se déplacer sur l’eau. Au printemps, lorsque nous nous déplaçons en motoneige, c’est environ 45 minutes. Le fait d’être sur la terre est relaxant. Nous allons à la pêche, à la cueillette des oeufs ou des baies. Nous chassons l’oie, le caribou. Toutes ces activités ne sont pas du travail, c’est un loisir. À la fin du printemps, c’est la saison du séchage de la viande de caribou. Dans la cabane, nous avons des séchoirs à viande que mon grand-père a construits il y a probablement 30 ans, et ils sont toujours debout.
Mon père a construit sa cabane il y a environ 37 ans et nous avons été la première cabane de la région pour notre famille – mes parents, moi et mes trois soeurs. Ensuite, mes grands-parents ont construit une cabane, puis une tante et un oncle, puis une autre tante et un autre oncle. Puis j’en ai construit une. Mon cousin et ma belle-soeur en ont également construit une. Aujourd’hui, nous avons cinq cabanes dans cette petite zone. Mon neveu l’appelle même le village !
Le mot que nous utilisons pour décrire l’atmosphère de ce lieu est kajjaarnuq. Je pense que le mot le plus proche de cette idée « sérénité ». C’est paisible. C’est beau. Kajjaarnuq a tellement de significations que l’on met ensemble en français ou en anglais, mais en inuktitut, ce n’est qu’un seul mot qui évoque toutes ces sensations. La cabane est un lieu de paix pour moi. Pour beaucoup d’entre nous, au sein de la famille, c’est notre lieu de bonheur. C’est là que nous pouvons enseigner nos traditions à nos enfants. Cela nous aide à parler notre langue et à transmettre notre culture. C’est un lieu de guérison. C’est formidable pour notre bien-être.
Quand j’étais petit, le dimanche était toujours le jour le plus spécial de la semaine. Car les dimanches étaient indissociables des chutes Niagara : chaque semaine, nous nous entassions dans la Oldsmobile familiale et partions de Toronto pour aller voir les chutes. Mon père tenait un restaurant et n’avait donc pas beaucoup de journées de congé, mais les dimanches après-midi étaient des moments à part. Il était fasciné par les chutes Niagara et leur réputation mondiale. Mes parents ont grandi dans un village de Sparte, en Grèce. Lorsque des amis ou des proches du vieux pays nous rendaient visite, l’un des premiers endroits où mon père les emmenait était les chutes Niagara. C’était un endroit spécial pour lui et, par la force des choses, c’est devenu un endroit spécial pour moi aussi.
Quand je me suis marié et suis devenu père à mon tour, j’ai voulu étendre cette tradition à ma propre famille. J’essaie de me rendre aux chutes Niagara avec mes enfants environ trois fois par an. Nous faisons du vélo le long de la rivière et nous nous rendons à Fort George ou allons acheter du chocolat frais. Je ressens un grand réconfort quand je repense à tous les beaux moments que j’y ai vécus et à tous ceux qui sont encore à venir. Le dimanche est synonyme de temps en famille. À bien des égards, les visites des chutes Niagara me ramènent à l’enfance. C’est comme si l’histoire se répétait. Le fait d’avoir le privilège de jouer au hockey dans ce pays m’a permis de voir le Canada d’un océan à l’autre, mais, à mes yeux, les chutes Niagara sont l’un des plus beaux endroits qu’on puisse y trouver.
D’est en ouest, jusqu’à l’Arctique et dans tous les endroits sauvages que j’ai visités, la poésie est partout où le regard se porte, et fort heureusement, j’ai réussi à trouver les mots pour traduire cette poésie dans mes chansons. Qu’on le veuille ou non, tout cela fait travailler l’imagination.
Mais c’est Orillia, en Ontario, ma ville natale, qui m’a le plus inspiré. Tous mes souvenirs de ce lieu sont empreints de musique. En 7e année, j’ai réalisé mon premier enregistrement pour un événement organisé dans le cadre de la journée des parents. C’était la chanson Irish Lullaby, et elle a été diffusée sur le système audio de l’école. À l’époque, je suivais des cours de musique et j’interprétais les airs irlandais repris par Bing Crosby, que je chantais pour les comités féminins d’Orillia et le Lions Club masculin. En plus de cela, j’ai chanté avec un orchestre de bal pendant toutes mes études secondaires. Mes petites amies avaient l’habitude de s’asseoir sur le côté de la scène pour m’attendre lors des grands bals de l’école. Elles étaient d’une grande patience.
Hiver comme été, mes amis et moi allions souvent pêcher sur les lacs Simcoe et Couchiching. Je me souviens d’un hiver si froid que tout le lac Couchiching était recouvert de glace noire et qu’il n’y avait pas de neige. Mais nous allions surtout au lac Simcoe pour pêcher, au large de Eight Mile Point. Chaque hiver, pendant cinq ans, nous marchions environ un kilomètre sur le lac, puis nous installions chacun notre petite cabane pour pêcher le cisco et la truite. Nous avions l’habitude d’apporter nos belles prises au marché de viande des Buehler Bros., où le gérant nous les achetait. En été, nous pêchions l’achigan et la perche sur la rive est du lac Couchiching.
Quels beaux souvenirs! Je me sentais comme Huckleberry Finn. Je crois qu’il n’y a pas un seul cours d’eau dans la région où nous n’avons pas pêché, y compris dans la région de la North River où nous allions pour la truite mouchetée. Il nous suffisait de prendre nos vélos pour s’y rendre. Les souvenirs que j’en garde sont impérissables et ont continué à faire leur chemin dans mes chansons. Ils sont partout. D’ailleurs, c’est exactement ce à quoi je fais référence dans ma chanson Pussywillows, Cat Tails.
J’ai vécu un peu partout au Canada en raison de mon éducation dans l’armée de l’air. Il m’est donc difficile de choisir un endroit préféré, mais j’ai un penchant pour le parc Gairloch Gardens à Oakville, en Ontario, qui réunit des éléments des endroits que j’aime le plus, comme les lacs Shuswap en Colombie-Britannique ou le lac Sylvan, non loin de Red Deer, en Alberta.
Ce parc est situé sur la rive du lac Ontario, qui ressemble à un océan et me rappelle mes parents et le Cap-Breton. Un sentier du parc me rappelle le canyon Johnston du parc national de Banff, où j’ai passé ma lune de miel. On y trouve aussi une roseraie qui me rappelle ma mère. Le terrain a d’abord été acheté par le colonel William Mackendrick en 1922, l’année de la naissance de mon père, puis par James Gairdner en 1960, l’année de ma naissance.
Au moins trois fois par semaine, je vais courir dans le parc et observer les différentes plantes et animaux qu’on peut voir selon la saison. Ma période préférée de l’année est celle où je vois fleurir le premier bouton de rose, généralement vers la mi-juin. C’est à ce moment-là que l’on sent vraiment l’odeur de la terre et que les bébés oies courent dans tous les sens. Durant cette période de l’année, je passe par le parc presque tous les jours pour être certain de ne pas manquer la première rose.
Le parc a d’ailleurs un slogan digne de mention : « Un lieu propice à la réflexion ». Je ne suis pas du genre à méditer, mais à ma manière, c’est là que je vais pour contempler le lac Ontario et me laisser aller à un sentiment de gratitude.
Lorsque j’étais enfant, ma famille possédait un chalet à Port Sandfield, à l’endroit où le lac Rosseau rejoint le lac Joseph. Nous y passions tout l’été et les fins de semaine au printemps et à l’automne. C’est là que la famille se réunissait.
J’ai trois frères et sœurs et deux cousins, et tant qu’il n’y avait pas d’orage, nous étions tous les six dehors toute la journée, tous les jours, que ce soit pour nous baigner, faire de la planche et du ski nautiques, ou encore nous amuser dans l’eau sur des chambres à air. Parfois, nous faisions des soirées pyjama dans le hangar à bateaux, où l’on pouvait entendre les vagues la nuit.
Mes grands-parents possédaient également un chalet au bord du lac Rosseau, et c’est là que j’ai appris beaucoup de choses qui m’ont été utiles dans le sport et dans la vie en général.
J’étais la plus jeune et la plus petite des cousins, mais cela n’a jamais été un obstacle. Si je voulais faire quelque chose, ma famille trouvait un moyen de m’inclure.
Mes grands-parents avaient un tableau d’activités dans la cage d’escalier avec tous nos noms à côté de différentes compétences; lorsque vous faisiez une activité trois fois, vous obteniez une étoile. Je me souviens avoir été particulièrement fière d’obtenir une étoile pour avoir fait un plongeon arrière, car c’était quelque chose que j’avais peur de faire.
Une semaine avant mes premiers Jeux olympiques à Pékin, je me suis rendue dans le chalet de mes grands-parents avec mes parents et l’une de mes coéquipières. Au cours du repas, mon grand-père nous a raconté comment il s’était qualifié pour les Jeux olympiques de 1940. C’était la première fois qu’il me racontait l’histoire dans son intégralité, et nous sommes restés assis à table pendant des heures, à discuter. Une semaine plus tard, il est décédé. Quand j’y repense, c’est l’un des moments les plus forts que j’ai vécus avec mon grand-père.
Mon travail m’a amené dans tous les coins du pays, des grandes villes aux petites localités. Mais l’endroit qui me passionne le plus est l’Arctique, et plus précisément le passage du Nord-Ouest. Beaucoup de gens pensent que l’Arctique est un désert de toundra et de glace, mais sa beauté est spectaculaire. On y trouve des montagnes, de vastes étendues d’eau et une faune abondante, comprenant des phoques, des morses et une variété d’oiseaux. Lorsque l’on fait partie des quelques chanceux qui ont la possibilité de voyager dans cette partie du pays, on a envie d’en parler aux gens autour de soi.
J’ai toujours été fasciné par le mystère entourant l’expédition Franklin. En 2006, avant les recherches qui ont permis de retrouver les deux navires (en 2014 et 2016), je naviguais dans le passage du Nord-Ouest à bord d’un brise-glace canadien. Les haut-parleurs diffusaient « Northwest Passage » de Stan Rogers. Le temps s’est figé tandis que nous écoutions les paroles de Stan évoquant la main de Franklin tendue vers la mer de Beaufort. À ce moment-là, nous ne savions toujours pas ce qu’il était advenu des navires et de leur équipage.
Le passage du Nord-Ouest ne manque jamais de m’émerveiller. Il est très important de savoir ce qui se passe dans le Nord et d’écouter nos frères et nos sœurs inuits, qui sont prêts à nous transmettre leur savoir depuis des siècles. Quatre-vingt-dix pour cent des Canadiens vivent dans le sud du territoire, ce qui influence en grande partie notre compréhension du pays. Et pourtant, le Canada a bien plus à offrir, d’un point de vue tant géographique que culturel. L’Arctique change véritablement notre perception de ce que nous sommes en tant que pays. Lorsque j’y suis, je me sens vraiment Canadien. Notre Nord est une source inépuisable d’inspiration.
J’ai un rapport complexe avec le concept de « maison ». Comme mes parents étaient diplomates, j’ai principalement vécu à l’étranger. Je demeure aujourd’hui à Saskatoon, et j’ai déjà vécu à Ottawa, Montréal et Toronto. Mais lorsque je retourne à Saint-Jean-Port-Joli, au Québec, j’ai l’impression d’être chez moi. Le village fait partie de l’histoire de ma famille. Ma grand-mère paternelle est originaire de cette localité, et sa famille, les Bourgault, y est une petite famille bien connue. Le village de Saint-Jean-Port-Joli, sis à environ une heure de Québec, à l’est, est connu pour ses petites figurines en bois représentant des pêcheurs tenant des lanternes et d’autres objets. C’est le cousin de ma grand-mère, Jean-Julien Bourgault, qui a commencé cette tradition avec ses deux frères, une tradition qui leur a apporté beaucoup de succès. Ils ont reçu l’Ordre du Canada.
Durant ma jeunesse, je rendais visite à ma grand-mère dans sa petite maison. Celle-ci est l’avant-dernière avant le fleuve Saint-Laurent, qui, à cet endroit, fait 35 kilomètres de large. Non loin de là, il y a un quai avec un petit phare à son extrémité. Dans notre famille, nous avons un petit rituel : chaque jour, beau temps mauvais temps, nous nous rendons au bout du quai et nous regardons au loin. On peut y observer le coucher du soleil dans toute sa splendeur, tandis que le vent souffle sur l’eau plate et froide. À marée haute, les jours de tempête, de grandes gerbes d’eau s’abattent sur le quai. Une odeur d’eau imprègne l’air – l’eau du fleuve, l’eau de pluie et l’eau soufflée par le vent. En face de la maison de ma grand-mère se trouve un joli cimetière. Un lieu où les souvenirs de ma famille sont ancrés. Ces pierres tombales usées par les intempéries racontent l’histoire non seulement des habitants, mais aussi du village.
En tant que députée de la circonscription de Saanich-Gulf Islands, près de l’île de Vancouver, je suis tous les matins émerveillée par les paysages majestueux qui m’entourent. Mais mon cœur reste attaché à la côte est. Margaree Harbour, sur l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, est un véritable aimant pour moi. Impossible de résister à son pouvoir d’attraction. Je n’y suis pas née, mais c’est l’endroit où je me sens le plus chez moi.
Toute l’île est à couper le souffle, mais la plage de Margaree Harbour est particulièrement belle. Presque toujours déserte, elle est un véritable lieu de réconfort, de guérison, de renouveau et de joie pour moi. Ma fille et moi sommes du même avis : l’océan Atlantique a un je-ne-sais-quoi qui rend l’air plus salé et plus vif, et qui nourrit l’âme comme aucun autre lieu. J’ai passé d’innombrables heures sur cette plage, pour promener mon chien ou autour d’un feu de camp, à l’occasion de veillées musicales familiales et amicales.
J’ai déménagé sur l’île du Cap-Breton à l’adolescence. C’est là que mes parents sont morts, et c’est là que vivent toujours mon frère et ma belle-sœur. Je suis nostalgique des moments de ma vie passés là-bas. Je vais à Margaree Harbour au moins une fois par an, ce qui confirme l’adage « On peut sortir la fille de l’île du Cap-Breton, mais on ne peut pas sortir l’île de la fille ».
Il est question de forer un puits de pétrole en eau profonde dans le golfe du Saint-Laurent, où se trouve Margaree Harbour. Les dommages pourraient être incalculables. Je suis très attachée à la protection de l’ensemble du territoire canadien, mais j’ai le sentiment d’avoir une relation et une responsabilité personnelles à l’égard du golfe du Saint-Laurent et des côtes de l’île du Cap-Breton.
Quand j’étais jeune, j’ai passé neuf étés à Wilvaken, un camp situé au bord du lac Lovering, au Québec. J’ai d’abord été campeuse, puis j’ai gravi les échelons jusqu’à devenir membre du personnel. Le jour, nous faisions de la voile, du canot et du ski nautique et, le soir, nous admirions les plus beaux couchers de soleil que j’ai jamais vus. Au départ, c’est ma meilleure amie qui m’avait convaincue de la suivre au camp d’été, et c’est ainsi que je partage avec elle parmi les plus beaux souvenirs de ma vie.
Mes neveux y sont allés pour la première fois en 2019, et l’été d’avant, le camp a fêté son 60e anniversaire – j’ai donc encore plusieurs raisons de reprendre le chemin du lac Lovering. C’est toujours émouvant de revenir, de renouer avec le paysage vallonné et les vastes champs le long de la route. Je sens l’odeur de la forêt de pins et j’entends le chant des oiseaux dans les arbres; je sais immédiatement que je suis chez moi.
À l’époque, il n’y avait que deux autres camps sur le lac. Les bateaux étaient peu nombreux, et il n’y avait presque personne en dehors des campeurs, de sorte que les amitiés nouées étaient intimes et spéciales. Et que dire de l’équipe, dont l’enthousiasme pour le camp est contagieux!
De telles expériences de groupe sont transformatrices. En étant toujours ensemble, on cumule l’équivalent de plusieurs années de souvenirs et d’amitiés dans court un laps de temps. Tout se vit plus intensément!
Quand j’ai déménagé à Vancouver, il y a près de 30 ans, une amie insistait pour que je lui rende visite à Tofino. Elle y passait ses étés, dans le petit chalet de ses parents. Quand j’y ai enfin mis les pieds, je me suis dit : « Wow, c’est l’endroit le plus extraordinaire du monde! » Et je retrouve ce sentiment chaque fois que j’approche de Tofino : dès que l’air salé parvient à mes narines, je me mets à sourire. C’est ce qui se rapproche le plus du paradis sur terre.
J’ai acheté une maison sur la plage il y a 14 ans. C’est là que je décompresse, même quand mes deux filles entrent en courant à la recherche de combinaisons de plongée, suivies par des enfants rencontrés sur la plage, et même quand la maison est pleine d’amis. C’est un lieu où je peux voir des gens, m’occuper de mes enfants, cuisiner, me déconnecter, me détendre… Je vais rarement en ville, sauf pour faire des courses ou pour aller manger à SoBo, mon restaurant préféré.
À Tofino, je sors généralement tôt le matin, dans le calme, pour promener mon chien ou faire du surf. C’est une ville de surf, et c’est l’une des raisons pour lesquelles je l’aime tant, mais au milieu de l’après-midi, en été, il y a probablement 300 personnes sur la plage – c’est fou!
Malgré tout, c’est formidable d’être aussi près de l’océan. Ça me rappelle mon enfance à Halifax et mon père. Je garde d’excellents souvenirs des moments que nous avons passés ensemble à Tofino. Après sa mort, j’ai répandu ses cendres dans l’océan, puis je suis entrée dans l’eau pour marcher à ses côtés. Je sais que ce n’est pas permis, mais ce fut un moment profondément émouvant, beau et triste. À chaque sortie sur l’eau, il est là, avec moi.
En ce qui concerne Terre-Neuve-et-Labrador, je pourrais probablement inclure une centaine d’endroits dans ma liste de mes 10 endroits préférés. Mais un coin que j’affectionne particulièrement est Chapel’s Cove, où je possède une maison d’été. À l’origine, mon père et son frère y avaient construit un tout petit chalet. À vrai dire, cela ressemblait plutôt à une remise équipée d’un poêle à bois. Ils n’ont jamais rien acheté de neuf. À un moment donné, ils ont sorti un seau de clous tordus qu’ils avaient retirés de vieux morceaux de bois. « Bon, on a une heure à tuer, ont-ils dit. Redressons les clous. » Enfant, je m’étais alors demandé : « Pourquoi n’achètent-ils pas simplement une boîte de clous neufs? »
Aujourd’hui, j’ai à Chapel’s Cove une vraie maison que j’ai conçue. Elle se trouve à environ 45 minutes de St. John’s et surplombe la baie de la Conception. Lorsque je regarde dehors, j’ai l’impression d’être sur un bateau, la terre disparaît et seul l’océan est visible à l’horizon. Lorsque le soleil se lève et se couche, j’ai l’impression de voir ma peinture favorite changer en temps réel devant mes yeux.
Je suis toujours fasciné par les lumières et les bateaux qui flottent le long de la baie de la Conception, avec les pêcheurs qui sortent à l’aube et rentrent au crépuscule, allant et venant dans des embarcations de toutes formes et de toutes tailles. Lorsque la baie grouille de calmars, les baleines à bosse s’ébattent dans l’eau devant mon chalet, à environ 200 pieds du rivage. Je pourrais m’asseoir là toute la journée et les regarder. C’est un endroit où je me sens en paix et où je peux me plonger dans l’écriture. Les mots viennent facilement lorsque j’y séjourne et que les seules distractions sont les bruits que font les baleines juste devant ma fenêtre.
On a presque un avant-goût de l’Europe quand on vient à Montréal : tout le monde parle deux langues et l’architecture est un peu différente. On se dit tout de suite qu’on se trouve dans une ville dynamique, riche en histoire et en culture.
J’aime le fait que l’on puisse, de n’importe quel endroit de la montagne, apercevoir la brasserie sur le bord du fleuve. Je suis fier de savoir qu’elle fait partie de la ville et de notre famille depuis plus de 230 ans, mais je me sens également responsable, en tant que membre de la septième génération, de perpétuer cette tradition.
J’ai trois garçons et une fille. À ce stade, ils veulent tous jouer au hockey, mais ils commencent à s’intéresser au monde des affaires et se rendent compte qu’il est beaucoup plus difficile de réussir dans la LNH qu’ils ne le pensaient! Ce n’est pas mon genre de faire pression sur eux pour qu’ils s’intéressent à la brasserie, mais j’espère qu’au moins l’un des quatre essaiera de la maintenir en activité.
Le hockey est en quelque sorte inscrit dans les gènes de notre famille. Mon grand-père et son frère ont acheté les Canadiens de Montréal en 1957, et depuis lors, le club est resté dans la famille et associé à la brasserie. En grandissant, nous habitions à un pâté de maisons du Forum de Montréal, où jouaient les Canadiens, et si je faisais mes devoirs, je pouvais aller voir les matchs. C’est ainsi que tout a commencé pour moi, et maintenant je vis le rêve d’être propriétaire de l’équipe.
Il n’y a rien de tel que d’aller voir un match de hockey à Montréal. Il y a tellement de passion, d’énergie et d’amour pour les Canadiens dans cette ville; on peut le sentir quand ils mettent les pieds sur la glace, et quand ils marquent un but ou gagnent un match, cela change l’humeur de la ville. C’est vraiment incroyable.
J’ai découvert le comté de Prince Edward grâce à des amis proches qui ont déménagé dans le coin il y a une quinzaine d’années. Je ne connaissais pas du tout la région avant de leur rendre visite.
C’est en 2012 que j’y ai acheté mon premier terrain. Il était inoccupé, alors j’y allais pratiquement toutes les fins de semaine, en campant dans une caravane Airstream. Je me suis rendu compte que je voulais passer plus de temps dans cette région, surtout pendant la saison morte. J’ai donc commencé à penser à m’y établir de façon plus permanente, ce qui m’a amené à acheter une fermette en 2014. C’est une ancienne ferme située sur une route sans issue, donc très calme. Je n’entends pas les voitures et je ne vois pas les lumières de la ville. L’air est vraiment frais et les oiseaux sont nombreux. On peut entendre les coyotes hurler la nuit, et il se dégage de l’endroit une très grande sérénité.
Après avoir acheté la ferme, j’ai réalisé que j’avais besoin d’un endroit où je pouvais créer mes œuvres. J’ai donc construit un studio où je peux travailler à temps plein quand je le souhaite. Les vues sont magnifiques. Il m’arrive de sortir pour prendre des photos de nuages en vue d’une peinture. Le studio est également doté d’une longue bande de fenêtres qui encadrent le paysage, de sorte que chaque fenêtre ressemble à une peinture de paysage différente. Dans l’ensemble, je me sens très bien dans le comté de Prince Edward. Je m’y suis taillé mon petit coin du monde, et le fait de pouvoir m’évader dans un endroit comme celui-ci m’a fait énormément de bien. Cet endroit a changé ma vie.
J’ai eu la chance de visiter une grande partie de ce pays en tant qu’animateur de The Amazing Race Canada, mais rien ne vaut un retour aux endroits où j’ai passé du temps dans ma jeunesse – en particulier le lac Clear, dans le parc national du Mont-Riding, dans l’ouest du Manitoba. C’est là que je me sens enraciné et que je me reconnecte à ce que j’ai connu en grandissant.
Ma grand-mère et mon grand-père possédaient un petit chalet saisonnier au bord du lac, à un peu plus d’une heure à l’est de Russell. Il n’y avait pas de plomberie – l’eau était recueillie dans un seau sous l’évier, et on partageait une salle de bain et un réfectoire communs avec sept autres chalets.
Quand on pense « montagne », on pense aux Rocheuses et aux reliefs spectaculaires. Mais ici, nous sommes dans les Prairies, alors si c’est ce à quoi vous vous attendez, vous serez déçu en arrivant au mont Riding, dont la pente est plutôt douce. Le terrain ondule et il est densément boisé, mais si vous voulez voir le lac Clear, il faut monter là-haut.
L’eau de ce lac est vraiment d’une clarté inhabituelle. D’ailleurs, Margaret Laurence, la grande auteure originaire de Neepawa, au Manitoba, à 45 minutes au sud-est du lac Clear, appelait ce dernier le « lac Diamant » dans ses romans. On peut voir à cinq ou dix mètres de profondeur – les algues n’y prolifèrent pas comme dans les grands lacs du Manitoba.
Au fil des ans, ce que le lac Clear représente pour moi a évolué. Quand j’étais petit, c’était un lieu merveilleux à explorer, parfait pour un enfant espiègle et aventureux. Aujourd’hui encore, lorsque j’entends un huard, cela me rappelle les moments passés avec ma grand-mère et mon grand-père au bord de ce lac d’une eau limpide. Ils sont tous les deux partis maintenant, mais j’en garde de bons souvenirs. Adolescent, je venais au lac avec des copains et je louais un chalet à proximité. Maintenant que je suis plus âgé, les choses ont changé – j’y vais avec ma propre famille. La première fois que je suis allé au chalet avec ma femme Darla, c’était très plaisant, car j’ai pu lui montrer différentes choses en lien avec mes expériences passées, et même me vanter un peu, comme si la beauté du parc rejaillissait sur moi.
C’est un endroit dont vous pouvez profiter du premier au dernier jour de votre vie. Où que la vie nous mène, c’est toujours là que nous retournerons.
J’ai grandi à Montréal et j’ai toujours été attirée par le campus de l’Université McGill. Impossible de ne pas le remarquer, avec ses grandes grilles qui, me semblait-il, s’ouvraient sur un étrange monde victorien. Je me disais : « Quand je serai grande, je vais étudier la littérature anglaise ici. »
Quand j’ai commencé à étudier à McGill, le campus était pour moi une sorte de bulle magique au milieu de la ville. Dès qu’on arrive, on se retrouve au milieu d’une mer de jeunes, de conversations et de rires. Je me souviens de m’être dit : « Quand je serai une vieille dame, j’aimerais continuer à venir ici avec mes livres et être entourée de jeunes. » J’ai toujours rêvé que McGill me donne l’une des grandes maisons anciennes situées sur son campus, pour que je puisse m’y installer et me consacrer à la lecture. Il faut dire que j’ai grandi dans de minuscules appartements, donc ces maisons sont extraordinaires à mes yeux.
Je discutais récemment avec une personne avec qui j’ai étudié à McGill et qui, comme moi, venait d’un milieu ouvrier, et nous nous rappelions que l’université était un lieu où nous pouvions échapper à la pauvreté et côtoyer des jeunes issus des classes moyennes et supérieures. J’adorais être tout simplement assise dans les marches du pavillon des arts, entourée d’autres jeunes passionnés de littérature. J’avais enfin trouvé des gens comme moi. Chaque fois que j’y retourne, c’est comme si je pénétrais à nouveau dans un petit royaume étrange, où les gens lisent des livres, parlent de livres et arrivent en quelque sorte à échapper aux problèmes de la vie réelle.
Tofino est un endroit spécial pour moi. C’est là que j’ai grandi et que vivent ma famille et tous mes amis les plus proches. J’adore cet endroit en raison de sa nature abondante – on y trouve les plus belles forêts anciennes et un magnifique littoral sauvage. Les levers et couchers de soleil sur les montagnes et l’océan sont à couper le souffle. C’est là que j’ai appris à surfer et que j’ai forgé mes meilleurs souvenirs.
Tofino me donne l’impression d’être connectée au monde qui m’entoure. Je peux prendre les choses plus lentement et profiter de chaque seconde. Je me sens proche des gens qui m’entourent et de la nature. J’aime le bruit des vagues qui se brisent sur les rochers et qui roulent sur le rivage. J’aime le son de tous les oiseaux dans la forêt. Et quand je suis en bateau, j’entends le vent siffler.
J’ai passé une grande partie de mon enfance à m’amuser dans l’océan, à jouer sur la plage et à faire du surf. Je ne compte plus le nombre d’heures que ma sœur et moi avons passées à nous rouler dans le sable, à nager et à faire du surf horizontal dans les vagues, à vivre les meilleurs et les pires moments de surf de notre existence et à travailler pour atteindre nos rêves dans l’océan.
Le fait d’avoir grandi à Tofino et sur cette côte a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. C’est là que j’ai eu la piqûre du surf et que j’ai découvert ma passion pour ce sport. Sans aucun doute, l’eau froide m’a façonnée. Ce n’est pas toujours facile de trouver la motivation pour surfer au Canada et dans des eaux froides, mais c’est ce qui rend l’expérience d’autant plus unique. J’aime le rituel que cela exige – il faut se préparer davantage pour aller dans l’eau. C’est quand je porte ma combinaison et ma cagoule et que je suis dans ma petite bulle que je me sens le plus moi-même.
Je viens de Point La Nim, dans la région de la Rive-Nord du Nouveau-Brunswick – un endroit si petit que tout le monde se connaît. La Rive-Nord se compose des villes de Dalhousie, Campbellton et Bathurst, et de tout un tas de petites localités entre les deux.
C’est une région unique, car la Rive-Nord est un mélange d’anglophones et de francophones blancs et de Mi’kmaqs. Mon père est originaire de la Première Nation d’Eel River Bar, nichée le long de l’un des deux seuls bancs de sable naturels au monde à être traversé par une autoroute. Quand nous étions jeunes, nous y creusions pour trouver des palourdes que nous cuisinions directement sur la plage. Je me souviens avoir passé des étés entiers dans ce coin de pays. Nous pouvions pêcher des homards, des moules et du saumon frais. Il ne s’agit pas d’aliments réservés aux riches : tout le monde peut en profiter. La première fois que j’ai acheté des palourdes dans un supermarché, j’ai failli avoir une crise cardiaque parce que je n’avais pas réalisé à quel point elles étaient chères dans une ville où l’on ne peut pas les sortir de l’eau soi-même.
Des personnes célèbres atterrissaient sans cesse dans notre aéroport. Je me souviens que Jack Nicholson est venu en ville un été parce qu’il voulait pêcher dans la rivière Restigouche. C’est super de savoir que notre petite partie du monde, notre petit paradis, attire les gens. En hiver, le vent d’est est rude, mais c’est la vie sur la Rive-Nord. C’est un endroit rude, mais magnifique.
À une certaine époque, j’étais impatiente de partir, mais lorsque je vois mes vieux amis qui sont encore là-bas publier sur les médias sociaux une photo d’eux assis dans leur jardin un mardi soir avec un grand feu, entourés de leur famille, avec l’eau et les montagnes à une longueur de bras, je vois les choses différemment.
J’adore les paysages spectaculaires du parc territorial Tombstone, au Yukon. J’aime particulièrement le sentier du lac Grizzly. Il est long, mais il débouche sur des paysages grandioses, comme sortis des cieux. Et il y a le lac Grizzly, au milieu de nulle part, entre les montagnes. C’est un endroit unique au monde. Sa splendeur, épargnée par l’homme, est réservée aux animaux qui ont le privilège de la contempler jour après jour. C’est une beauté devant laquelle j’ai envie de danser.
À cet endroit, je me sens connecté à la terre. Les paysages et la puissance de la nature me fascinent et me recentrent. Dans mes vidéos de danse, on voit de nombreux de paysages de Tombstone. Je pense que ça a fait beaucoup de bien aux gens de découvrir la nature sauvage du Yukon, surtout pendant la pandémie. C’est une source de joie et d’optimisme. La nature est puissante, même quand on la voit à travers un écran d’ordinateur. Quand les gens voient un paysage majestueux, ils sont immédiatement happés.
La nature est une grande guérisseuse. Lorsqu’on se coupe d’elle, on perd notre sentiment d’enracinement. Dans la nature, j’ai l’impression de me rapprocher de mon origine en tant qu’être humain. Ce parc m’a permis de comprendre que la nature est au-dessus de tout. Nous, les humains, ne sommes pas au-dessus de tout; nous faisons simplement partie de l’écosystème. Il y a dans le monde des choses bien plus importantes que nous. Ce parc a complètement changé ma façon de voir ma vie sur la planète Terre.
De 1991 à 1994, alors étudiante universitaire à Edmonton, j’ai eu la chance de faire plusieurs voyages en Alberta. L’un des lieux dont je me souviens encore avec émotion, pour plus d’une raison, est Kananaskis. Nous y allions dès que nous en avions la chance. Ce qui nous a fait découvrir Kananaskis, c’est qu’on y trouvait, déjà au début des années 1990, un hébergement accessible aux fauteuils roulants et de l’équipement de ski de fond adapté. À l’époque, c’était novateur, car on ne parlait pas beaucoup d’inclusion, d’accessibilité et d’équité.
Quand on est en fauteuil roulant et qu’on aime la nature, il n’y a pas toujours de solution facile. Les obstacles sont nombreux. Kananaskis a été le lieu d’une de mes premières expériences en solitaire où, avec mes seuls bâtons de ski et mes muscles, et j’ai pu me plonger dans la nature. Il m’est arrivé de devoir m’arrêter pour éviter des ours et des cerfs. J’ai des photos! J’avais l’impression de pénétrer dans le territoire des animaux sauvages, et c’est ce qui rendait ces moments si précieux.
Aujourd’hui maman d’un garçon de neuf ans, je projette d’y retourner avec lui dans les prochaines années, de l’emmener dans ce lieu très cher à mon cœur.
De temps à autre, j’ai besoin de me retrouver seule pour réfléchir, m’imprégner de la nature et vivre simplement le moment présent. Kananaskis fut le terrain de l’une de ces premières expériences. C’est dans la vingtaine que j’ai commencé à réaliser l’importance de cette activité pour mon équilibre. Alors au début de ma carrière de coureuse, je devais jongler avec l’attention des médias, la pression et les déplacements. C’était beaucoup! J’avais besoin d’équilibre; j’avais besoin de me retrouver et de me dépenser dans la nature.
Hamilton occupe une place toute spéciale dans mon cœur. C’est une ville décontractée et inspirante où l’on peut être soi-même, tout simplement. Je suis né et j’ai grandi à Calgary, mais j’aime Hamilton parce que je m’y sens chez moi. Dernièrement, j’y ai passé beaucoup de temps pour le tournage de Run the Burbs et la ville me parle beaucoup. Lorsqu’on filme des scènes en extérieur dans la banlieue, j’ai l’impression de redevenir enfant. On sort dehors et il fait chaud; il y a des gens qui tondent leur pelouse. Plus loin, on voit des enfants jouer au basket-ball; on en entend d’autres courir dans les jets d’un arroseur. Lorsqu’on tourne plusieurs scènes, les voisins sortent leurs chaises de jardin et s’installent dehors pour nous regarder. Il s’en dégage une sensation de calme.
La fin de semaine, j’explore la ville. Je procède souvent par cercles. Je cherche notamment à repérer les magasins de jouets anciens comme Bounty Hunter Toys et Retrosaurus. J’aime renouer avec mon enfance. D’ailleurs, mes enfants m’accompagnaient dans la recherche des boutiques de joujoux.
J’ai été surpris de constater qu’il y a une importante population vietnamienne dans la ville. Dans un centre commercial, j’ai trouvé un restaurant vietnamien, une boucherie chinoise et une épicerie asiatique – je m’y sens chez moi. Lorsqu’une personne de couleur pense s’installer en banlieue, elle craint de ne pas y retrouver sa culture. Le fait de découvrir des pôles culturels comme celui-ci me donne un sentiment d’appartenance. C’est une ville qui me rend heureux : je suis maintenant dans la trentaine et je suis prêt à troquer la « branchitude hipster » contre la « coolitude naturelle » d’Hamilton, avec ces formidables commerces qui servent de bons plats et offrent de bons produits.
Mon refuge préféré à Montréal se trouve à la jonction du parc Jeanne-Mance et du mont Royal, entre les avenues Mont-Royal et Duluth, et entre le boulevard Saint-Laurent et l’avenue du Parc. Le parc Jeanne-Mance est connu des Montréalais comme l’endroit où il faut aller : le quartier environnant est chargé d’histoire, proche de l’endroit où Mordecai Richler a vécu. C’est l’équivalent de parcs tels que Trinity Bellwoods à Toronto, Stanley Park à Vancouver et Major’s Hill à Ottawa.
Je me souviens d’y avoir passé la plupart de mes étés lorsque j’étais adolescente, ce qui a vraiment influencé la personne que je suis aujourd’hui. Je venais d’un quartier très résidentiel de Montréal, un peu plus au nord, alors aller au centre-ville – et voir Montréal pour ce qu’elle était –, c’était aller au parc Jeanne-Mance. Les arbres, la lumière et les événements culturels qui se déroulent dans le parc ont quelque chose de particulier. Ce lieu accueille des concerts et les gens jouent au ballon; l’espace rassemble vraiment les gens.
Lorsque j’ai commencé à fréquenter le centre-ville, vers l’âge de 15 ans, j’y passais une grande partie de mon temps – et les mêmes personnes avec lesquelles j’ai grandi s’y rendent encore. Depuis que je suis devenue mère, visiter la région avec ma fille est également devenu spécial. Notre première maison se trouvait dans le Plateau, il a donc été très facile de l’amener au parc Jeanne-Mance. C’est quelque chose que vous voulez partager avec vos enfants. Nous nous rendons au Café Santropol – un établissement local que ma mère aimait fréquenter et qui existe depuis les années 1960. Cependant, ma propre famille fréquente plus souvent le Café Melbourne ou le Hof Kelsten. Mais la véritable expérience du parc Jeanne-Mance est de trouver l’endroit idéal et de s’y installer pour un pique-nique.
J’ai passé les étés de mon enfance dans un chalet au bord du lac Long, dans les Laurentides, au nord de Montréal, d’où je suis originaire. Notre chalet donnait sur un chemin de terre, qui est probablement devenu une autoroute aujourd’hui, et possédait une porte moustiquaire battante dont je me souviendrai toujours du claquement. C’est là que des films comme The Yearling et des livres comme The Red Pony, de Steinbeck, m’ont le plus ému.
Tout a commencé avec trois familles sur le lac. Pour obtenir de l’eau courante, nous devions pomper à la main l’eau d’un puits dans une citerne située sur le toit. À l’âge de cinq ou six ans, j’ai proposé à chaque famille de remplir sa citerne pour 25 cents, ce qui représentait une fortune à l’époque. Je n’avais pas réalisé à quel point il était difficile de pomper l’eau, si bien que je remplissais la citerne à moitié et que j’étais tellement épuisé que je devais revenir le lendemain. En fin de compte, je n’ai jamais réussi à remplir une citerne.
Le nombre de chalets augmentant au fil des ans, un magasin de quartier a fini par voir le jour. Il y avait un groupe de dix enfants d’âges différents – j’avais environ 11 ans – qui se réunissaient le samedi soir et dansaient sur ce qui passait à la radio ou sur ce trio français qui venait jouer de la musique country.
C’est à cette époque que j’ai commencé à remarquer les filles et que j’ai aperçu pour la première fois une fille nue. C’était aussi mémorable que d’attraper mon premier poisson. Une amie de ma sœur aînée était en visite dans notre chalet et alors que j’étais dans ma chambre en haut de l’escalier (qui n’avait pas de porte), la porte de la chambre de ma sœur s’est ouverte et j’ai vu son amie Diane en train de s’habiller. Elle m’a surpris en train de la regarder et a claqué la porte. Ce souvenir est resté gravé dans ma mémoire jusqu’à aujourd’hui.
L’un des désagréments de vivre dans une petite ville est la sensation d’être parfois trop visible. En grandissant à Edmonton, j’avais l’impression qu’il n’y avait qu’une seule librairie, qu’un seul restaurant ou qu’un seul centre commercial, et qu’il était inévitable d’y croiser des gens qu’on connaissait. Certaines personnes aiment l’ambiance des petites villes, mais, pour ma part, j’avais parfois besoin d’espaces dans lesquels j’étais invisible – notamment parce que je suis queer et que j’ai la peau brune. La vallée de la rivière Saskatchewan Nord était un espace au sein de la ville où je pouvais me sentir anonyme. J’ai un faible pour la vallée de la rivière parce que je l’ai associée à la recherche de ma propre voie. J’ai l’impression d’avoir le choix. J’y vais quand je veux faire quelque chose avec des êtres chers qui ne font pas partie de ma famille biologique.
C’est peut-être dû au sentiment de décalage que j’éprouvais à l’adolescence, mais j’ai été dans la vallée de la rivière à de nombreuses reprises sans même savoir que je m’y trouvais. Se trouver dans un lieu qui nous semble sûr, ce n’est pas nécessairement se dire « Je me sens en sécurité maintenant » ou « Je peux désormais être moi-même » aussitôt qu’on y met les pieds. En ce qui me concerne, il s’agit plutôt d’être dans un espace où je n’ai plus à m’inquiéter de ma sécurité ou de la façon dont je dois agir. Je peux baisser ma garde.
Lorsque j’y vais, il y a de fortes chances que je croise quelqu’un que je connais, mais ce n’est jamais arrivé. Les lieux sont à la fois vastes et intimes. Cela me ferait bizarre d’y amener mes parents. À l’adolescence, il est normal de ne pas vouloir que ses parents traînent dans sa chambre – après tout, c’est un espace intime. La vallée de la rivière, c’est un peu comme ma chambre à Edmonton. C’est un endroit pour mes amis et pour moi-même.
Je partage mon temps entre Los Angeles et Toronto, mais mon endroit préféré au Canada est Pocologan, au Nouveau-Brunswick. Il s’agit d’un endroit incontournable, situé dans la baie de Fundy, entre Saint John et St. George, à environ une heure de route de Fredericton. Chaque année à Pâques, depuis mon plus jeune âge jusqu’à la fin de mon adolescence, ma mère, moi et tout un groupe d’autres personnes nous retrouvions dans la maison d’un ami de la famille, construite sur des rochers, juste au-dessus de l’océan Atlantique, où les vagues pouvaient éclabousser les fenêtres les jours de mauvais temps. C’était une maison vraiment étonnante; le propriétaire était un menuisier et tout à l’intérieur était fait de bois magnifique. Il y avait même une balançoire à l’intérieur! Les plafonds étaient très hauts, si bien que nous pouvions nous balancer à l’intérieur de la maison, en regardant l’océan.
Notre tradition annuelle était la chasse aux œufs de Pâques. Ma mère est très investie dans la communauté théâtrale du Nouveau-Brunswick, et beaucoup de ses amis sont des artistes et des artisans. Nos paniers de Pâques étaient donc constitués de créations artisanales spectaculaires, comme dans un magazine. Dans nos paniers, nous recevions des cerfs-volants et nous nous rendions à la plage de New River pour les faire voler. Il faisait froid, la marée était basse et nous étions au moins dix enfants à courir sur cette belle plage avec nos cerfs-volants, malgré la température glaciale. L’une des premières années où nous l’avons fait, j’ai couru jusqu’à la plage et j’ai laissé la corde de mon cerf-volant se dérouler. Il est monté de plus en plus haut jusqu’à ce que je me rende compte que je n’avais pas attaché la ficelle à la poignée.
Nous grimpions sur les rochers qui descendaient vers l’océan. Nous écrivions nos noms en grosses lettres dans le sable, puis nous regardions la marée monter et les emporter. C’était magique.
J’en parlais récemment à ma mère, et elle m’a dit : « Tu sais, même quand vous êtes devenus adolescents, rien n’aurait pu vous empêcher d’aller à Pocologcan. » J’ai adoré cette période de ma vie. Ce lieu a permis de réunir des familles qui, autrement, se seraient perdues de vue. J’aimerais beaucoup que ma famille et mes amis adultes puissent en bénéficier.
Nous avons un chalet familial à Sechelt, dans la région côtière près de Vancouver. Il faut prendre un traversier pour s’y rendre, et ce n’est qu’à une heure et demie de la ville, mais on a l’impression d’être à des milliers de kilomètres. Il s’agit d’un petit chalet en cèdre, situé juste à côté de la plage, sur un terrain d’environ un hectare. Si vous passez la porte d’entrée, vous vous retrouvez sur la terrasse, qui donne sur le jardin et quelques mûriers, avec l’océan juste à côté. C’est très sauvage, très calme. J’y vais depuis que je suis née, et certains de mes meilleurs souvenirs d’enfance y sont liés. Nous avons grandi en pêchant le long de la côte, et je me souviens qu’à l’âge de 10 ans, je me trouvais dans un petit bateau de pêche en aluminium et que j’ai vu des épaulards passer à côté de moi.
Lorsque j’étais jeune, nous avions l’habitude de passer environ un mois au chalet pendant l’été. Aujourd’hui, en raison de mon horaire de joueuse de soccer, je n’ai plus de vacances d’été. Toutefois, au fil du temps, cela ne nous a pas empêchés, mes cousins et moi, de nous retrouver là-bas à l’occasion pour célébrer le Nouvel An. Je me rappelle même une baignade dans l’eau glaciale un certain jour de l’An. Mais chaque fois que j’y retourne, c’est la même chose. Dès que j’entre dans le chalet, je sens l’odeur du cèdre et je me mets en mode vacances. Je finis par passer tout mon temps à jouer aux cartes et à me promener sur la plage. C’est tellement calme et reposant. Il n’y a pas de stress, pas d’Internet, le service de téléphonie mobile est terrible et le ballon de soccer reste sur l’étagère. C’est le paradis.
J’ai passé les dix premières années de ma vie sur une ferme de loisir de 20 hectares à Queensville, en Ontario, au nord de Newmartket. J’ai eu une enfance très heureuse laissant libre cours à mon imagination et mon désir d’exploration. Quand on est petit, 20 hectares, c’est énorme. Je passais la plupart de mon temps libre à faire du vélo, à grimper aux arbres et à jouer dans la grange avec mes amis, à faire des forts ou à sauter des chevrons dans des bottes de foin géantes.
Même s’il s’agissait d’une ferme de loisir, il y avait beaucoup de travail à faire. Nous avions des chevaux, des vaches laitières, des cochons, des lapins, des oies, des poulets et un immense jardin biologique. J’étais trop petit pour soulever les balles de foin, alors je pouvais conduire le camion.
La ferme avait déjà 100 ans lorsque mes parents l’ont achetée, avant ma naissance. Il y avait un petit cagibi sous l’escalier de la salle familiale, et c’était ma cachette. Je traînais là-dedans et je dessinais sur l’intérieur de la porte avec des crayons de couleur, et quand j’ai eu sept ans, j’y ai signé mon nom.
Nous avons déménagé à Richmond Hill quand j’avais neuf ans parce que je patinais déjà au Toronto Cricket Club et que ma carrière de compétiteur était en train de décoller, mais tous les propriétaires ultérieurs de la maison ont laissé ma signature dans le cagibi, ce qui est assez génial.
J’ai voyagé dans le monde entier et j’ai eu la chance de vivre au Mexique pendant 12 ans, mais ma femme et moi avons récemment acheté un terrain de 40 hectares dans la région de Kawartha Lakes, et j’ai vraiment l’impression de rentrer à la maison. Je peux me tenir au milieu de la forêt, fermer les yeux, écouter le vent dans les arbres et ressentir cette belle langueur qu’on ressent après avoir passé toute la journée dehors.
Les souvenirs sont imparfaits et évanescents. C’est d’ailleurs un thème qui revient dans plusieurs de mes romans. Et je le constate dans ma propre vie : avec l’âge, de nombreux détails de mon enfance s’estompent ou deviennent flous. Mais pas les souvenirs que j’ai forgés à l’Île-du-Prince-Édouard.
Quand j’étais enfant, Greenwich ne faisait pas encore partie d’un parc national. C’était un endroit tranquille, peu connu. Pour atteindre la plage, on devait laisser la voiture et marcher environ un kilomètre dans les dunes. Le jour, on se baignait et, la nuit, on allumait des feux de joie. C’était une grande plage de sable blanc qui s’étendait sur des kilomètres, déserte, ignorée de tous.
Aujourd’hui, quand je me promène le long de la rive nord-ouest au milieu des herbes vert vif poussées par le vent, leur parfum unique me ramène tout de suite à mes 10 ans.
Quand j’amène mes trois enfants à Greenwich, ils y font la même chose que moi quand j’étais jeune. C’est l’histoire qui se répète. Lors d’un de nos derniers voyages, ma famille y a plongé avec masque et tuba et s’est retrouvée au milieu de petits crabes, de homards et de méduses. C’est comme s’ils vivaient à leur tour les mêmes bonheurs que moi sur cette plage.
Quand je les vois courir vers l’eau, comme moi avant eux, je suis émue par la force de cet endroit et de mes souvenirs.
Les cheminées de fée de l’île Bylot, juste en face de Pond Inlet, sont les plus beaux paysages que j’aie jamais vus. Ma mère est née et a grandi à Pond Inlet, sur la terre. Sa communauté vivait dans des igloos et des huttes de terre. Notre famille a été déplacée par le gouvernement canadien dans les années 1950. Cet épisode a été très difficile pour tout le monde. C’est donc à Pond Inlet que se trouvent nos racines et notre réelle patrie, là où nous étions heureux, là où nous aurions dû continuer à vivre et à survivre, sans interruption. Il y a dans ce coin du monde une certaine pureté, une sorte de douceur précoloniale. Lorsque je m’y suis rendue pour la première fois, j’ai ressenti un lien très profond avec ce lieu.
À elles seules, les cheminées de fée valent le détour. Il s’agit de piliers de grès suffisamment solides pour que l’on puisse s’y tenir debout, mais suffisamment souples pour que l’on puisse y graver son nom avec les doigts. Je me rappelle qu’au moment de graver mon nom sur l’une de ces cheminées, rien d’autre ne traversait mon esprit, et c’est ce qui est merveilleux quand on se trouve dans un lieu magique, purificateur et d’une beauté stupéfiante : vos soucis et vos angoisses disparaissent. Quand vous êtes dans une grande ville, que vous regardez avant de traverser la rue et qu’il y a 500 voitures et 50 personnes qui circulent et que vous devez arriver avant trois heures, et bla-bla-bla… Tout cela ne compte plus quand vous êtes là-bas. C’est un bon moyen d’évacuer le stress. C’est comme ce sentiment de paix que vous ressentez lorsque vous vous réveillez, mais que vous gardez les yeux fermés pendant quelques secondes, avant que la journée vous rattrape et que vous deviez vous lever. C’est ce que je ressens tout le temps quand je suis là-bas.
Du sommet du mont McKay – appelé animikii-wajjw en langue ojibwé – on peut voir la rivière Kaministiquia, qui prend sa source au nord de Thunder Bay et serpente jusqu’aux chutes Kakabeka avant de s’enrouler autour de la montagne. On aperçoit aussi les élévateurs à grains qui se dressent le long de la rivière et le géant endormi, Nanabijou, qui s’avance dans le Gichigami, ou le lac Supérieur, créature sauvage et imprévisible, où le soleil peut soudainement laisser place à des nuages menaçants, des rafales de vent et des pluies torrentielles.
La région est un lieu de rencontre pour les peuples autochtones depuis des temps immémoriaux, bien avant que la ville de Thunder Bay et le Canada n’existent. Ma famille y retourne encore aujourd’hui pour assister aux pow-wow organisés sur la montagne.
Ma mère a grandi non loin de là, à Raith, sur le territoire traditionnel de la Première nation de Fort William, la réserve où a vécu ma grand-mère. Là-bas, l’eau occupe une place immense. C’est un endroit extraordinaire où on ressent plus qu’on ne voit la ligne de partage des eaux de l’Arctique. C’est là où, sur l’île de la Tortue, les eaux se divisent pour s’écouler soit vers le nord, en direction de la baie d’Hudson, soit vers la ville, au sud. Raith me rappelle chaque fois que les rivières sont les autoroutes du passé. C’est magique!
Je ne me souviens pas de la première fois où je suis allée sur la montagne – je devais être très jeune. Mais quand mes enfants étaient petits, les voir courir sur la montagne, dans les hautes herbes, me rappelait que des générations ont fréquenté cet endroit, et que d’autres suivront leurs traces. C’est un lieu qui revêt une importance spirituelle pour les Ojibwés. C’est un lieu important pour ma famille. Et c’est un lieu qui me touche droit au cœur et me procure un sentiment de paix. Je m’y sens heureuse et entière.
C’est à Granby qu’a eu lieu mon premier contact avec le Canada. Je n’avais jamais vu de neige de ma vie et la propreté était éblouissante. Quand on vit dans un camp de réfugiés en zone de guerre, on n’a pas accès à ce genre de silence et de luminosité. Ç’a été mon premier choc.
Mais le plus grand choc fut de voir tous ces gens qui nous attendaient dans le stationnement de l’hôtel quand nous sommes descendus du bus. Tout le monde était si grand! De mon point de vue, c’étaient des géants. J’étais toute maigre à 10 ans. Tous les hommes avaient de grosses barbes et des manteaux avec de la fourrure tout autour. Les Asiatiques n’expriment pas leurs émotions physiquement. Mais ces personnes nous serraient dans leurs bras, à tel point que je ne touchais même plus le sol! Je me demande encore comment ils ont pu nous prendre dans leurs bras alors que nous étions couverts d’infections dues aux piqûres de moustiques et que nous avions des poux dans les cheveux. Mais ils n’ont pas montré la moindre hésitation.
Dans un camp de réfugiés, on ne se sent pas humain. Et quand ces gens m’ont regardée, croyez-moi, je n’étais jamais sentie aussi belle. À travers cet amour pur, ils m’ont rendu mon humanité, ma dignité, tout ce que nous avions perdu dans le camp. Grâce aux habitants de Granby, j’ai pu retrouver l’humanité que j’avais perdue. Dès lors, je n’étais plus une immigrée du Vietnam, mais une enfant adoptée qui arrivait dans une nouvelle famille. Durant l’été, différentes familles nous emmenaient au zoo. Nous y allions toutes les fins de semaine. Je réalise aujourd’hui à quel point cela leur coûtait cher de nous emmener là-bas. Le zoo illustre toute la gentillesse et la générosité que les Granbyens m’ont témoignées.
On parle beaucoup de la migration des animaux dans le Serengeti, mais la plus extraordinaire migration à laquelle il m’ait été donné d’assister est celle de 50 000 bélugas dans la rivière Seal, près de Churchill. C’était incroyable de voguer au milieu de petits morceaux de glace rebondissants pour me rendre compte qu’il s’agissait en fait de bélugas.
J’étais là pour réaliser un reportage sur l’observation des habitats estuariens du béluga, une activité impressionnante en elle-même. Les scientifiques doivent jouer les cow-boys et sauter sur les bélugas – de façon sécuritaire, en présence de vétérinaires – pour capturer et marquer les mammifères.
Après le reportage, j’étais avec les scientifiques au Seal River Heritage Lodge, et ils m’ont carrément attaché les pieds et mis un tuba et un masque dans les mains, avant de m’ordonner de m’allonger sur le ventre pendant qu’ils me traînaient à reculons dans l’eau trouble. J’avais l’impression d’être dans un épisode des Soprano. Mais ensuite, ils m’ont dit de chanter. Je me suis exécutée, et un béluga s’est approché. C’était tout simplement magique! Quel privilège d’être là, dans l’eau, avec lui!
En cette ère numérique, les gens cherchent de plus en plus l’émerveillement et le réconfort, et c’est dans le monde réel qu’ils le trouvent. Je ne pensais pas qu’une visite à Churchill puisse offrir une expérience aussi stupéfiante. On est là devant des ours blancs, des aurores boréales, des bélugas. Les animaux vaquent à leurs occupations et il règne un extraordinaire sentiment de paix et d’harmonie. C’est apaisant d’être là et de savoir qu’on fait partie d’un grand tout.
J’ai passé trois ans à l’école préparatoire de l’Université d’Ottawa, puis trois ans à l’université elle-même. Cette période est l’une des plus formatrices de ma vie, et Ottawa occupe donc une place particulière dans mon cœur.
J’ai grandi à Sudbury et j’ai eu une enfance plutôt insouciante. Toutefois, lorsque je suis arrivé à Ottawa, les choses se sont corsées. Mes parents avaient divorcé et j’avais beaucoup de problèmes. J’étais un rebelle. Les prêtres de l’école préparatoire m’ont aidé à me réformer. Lorsque la discipline sévère ne fonctionnait pas, ils se liaient d’amitié avec moi pour me montrer le bon chemin. Ils ont changé ma vie.
L’école préparatoire se trouvait dans le bâtiment administratif de l’université et les dortoirs étaient à l’étage. Je me souviens que j’étais attiré par une fille qui passait tous les jours devant moi pour se rendre à l’école secondaire Lisgar. On jouait dehors et je ne lui parlais jamais. Nous avions trois patinoires à l’extérieur de l’école que nous devions déneiger, alors je ne suis probablement allé qu’une seule fois patiner sur le canal Rideau. Par contre, je m’y promenais souvent et j’ai toujours apprécié le fait qu’il y ait autant de verdure dans la ville.
Lorsque nous sortions de l’école la fin de semaine, nous prenions le tramway jusqu’à Hull et nous allions au Gatineau Club, au Chaudière Club ou Chez Henri, ou nous nous promenions simplement dans le marché By. J’en garde d’excellents souvenirs. Quand j’étudiais à l’université, l’hôtel Château Laurier était l’un de nos lieux de prédilection. En plus de la délicieuse soupe aux pois qu’on y servait, l’hôtel comprenait une fantastique piscine couverte et un salon de barbier qui nous faisait nous sentir spéciaux – quand nous avions assez d’argent pour nous l’offrir. Dans ce salon, on vous mettait une serviette chaude sur le visage avant le rasage et on taillait vos favoris avec un rasoir droit. Vous aviez l’impression d’être un riche homme d’affaires que l’on traite aux petits oignons.
Mon lieu préféré au Canada est l’arrière de n’importe quel canot dans lequel je me trouve, où que je sois. Je ne peux pas vous dire quel endroit je préfère, car il y a tant de lacs et de cours d’eau que j’espère explorer – qui sait, le prochain deviendra peut-être mon coup de cœur! Mais quand je pense au tronçon de rivière parfait, je ne vois pas de gros rapides. Je vois plutôt des vaguelettes. De beaux rapides nous attendent au prochain virage, mais nous n’y sommes pas encore tout à fait. Il n’y a aucune trace d’habitation dans les parages. J’ai des sacs devant moi et je suis dans mon canot avec quelqu’un que j’aime. Peut-être ma fille, à l’avant. Nous avons hâte de découvrir ce qui nous attend au virage, et nous pensons déjà au plat que nous allons rater pour le souper de ce soir, une fois revenus au terrain de camping.
Pour moi, la descente de rapides illustre en quelque sorte comment nous naviguons à travers la vie – les courants nous amènent dans une direction et, parfois, on peut s’arrêter pour faire une pause et reprendre son souffle. On ne choisit pas l’emplacement des rochers; on choisit simplement la manière de les contourner. Et il faut répondre à ce que la vie nous envoie tout en continuant à pagayer sur la rivière.
À l’ère des médias sociaux, du numérique et des technologies, il est plus important que jamais de sortir de chez soi – pour faire quelque chose qui exige d’être présent et serein tout à la fois, malgré les moments d’adrénaline. En plus de son côté concret, le canot a une dimension spirituelle qui, je crois, est fondamentale pour l’âme.
Un de mes endroits préférés au Canada est la vallée de la Qu’Appelle, en Saskatchewan. Mon père y possédait un petit ranch, donc c’est un endroit très cher à mon cœur. Nous avions l’habitude de monter et descendre les collines. Quand on arrivait au sommet d’une colline, on avait d’un côté une vue sur les arbres recouvrant les pentes des autres collines, et de l’autre une vue sur le fond de la vallée. Celui-ci était cultivé, de sorte que, selon la période de l’année, on y voyait des champs verdoyants ou des terres labourées, noires, attendant d’être semées.
Se faufiler entre les arbres était un plaisir pour tous les sens. Je me souviens du parfum de l’écorce du chêne à gros fruits, qui avait toujours une odeur de fibre poussiéreuse. En levant les yeux, on pouvait souvent apercevoir des balbuzards pêcheurs, suspendus au-dessus des collines, au-dessus de la vallée. À certaines périodes de l’année, on passait à cheval devant des buissons d’amélanches, de cerises à grappes ou de n’importe quel petit fruit de saison, et on n’avait qu’à tendre la main pour en cueillir une poignée. Les amélanches étaient mes préférées – j’adore encore ce fruit –, mais j’aimais même les cerises à grappes, qui rendent la bouche pâteuse.
Mes plus beaux souvenirs de mon père sont liés à la vallée de la Qu’Appelle. Ce sont des souvenirs heureux parce qu’il y était heureux. Il aimait ces lieux, et il nous les a fait aimer.
La ville de Québec a toujours été un lieu très symbolique pour moi et ma famille. J’y vais régulièrement depuis mon enfance et je m’y suis souvent produit. J’ai grandi au Québec et la moitié de ma famille est francophone – ça fait partie de moi.
Québec est très certainement la plus belle ville du Canada, et elle ravive toujours ma fascination et mon amour pour mes racines. Sa situation géographique y est pour beaucoup. De la route longeant le fleuve Saint-Laurent, on voit soudain surgir une ville ressemblant étrangement à Prague. C’est une agglomération de petite taille, aucun étalement urbain ne vient interférer avec cette vision grandiose.
Du sommet de cette colline fortifiée, quand on porte le regard vers l’est et le nord, on ne voit que les vastes étendues sauvages de la belle province. C’est réconfortant de savoir qu’il existe encore des territoires vierges.
Chaque fois que je me rends à Québec, mon sang canadien-français bouillonne et me rappelle mes ancêtres qui ont vécu dans la province au fil des siècles. Il y a quelque chose qui me ramène au passé. J’ai l’impression de remonter le temps et de ralentir. Tout se fige, et je ne peux m’empêcher de me promener partout, de m’arrêter pour regarder. Au détour d’une rue, je me retrouve tout à coup projeté 200 ans en arrière. J’aime pouvoir ralentir ainsi – je me sens plus vivant.
Lorsque j’ai quitté la maison familiale, j’ai acheté une vieille école de rang en briques rouges à Sprucedale, où on arrivait après 20 minutes sur un chemin de terre sinueux, près de l’endroit où j’habite aujourd’hui. Il y avait une cheminée gothique et des fenêtres orientées vers le nord, de sorte qu’il y faisait toujours un peu sombre. Ce lieu m’a servi de garçonnière d’artiste en mal de reconnaissance pendant près de dix ans. J’y ai même installé un studio et j’y ai enregistré quelques disques. C’était un endroit magnifique. Vivre dans un bâtiment vieux de 100 ans peut cependant s’avérer contraignant, surtout pour un jeune musicien rock qui était toujours sur la route.
C’était un endroit très isolé et le contact avec la nature m’y semblait beaucoup plus intime. En hiver, c’était une bataille pour éviter le froid à -40 °C; pendant un certain temps, la maison n’était chauffée qu’au bois, et je me rendais à Huntsville pour me réchauffer dans l’épicerie. Il y avait aussi des animaux : un écureuil a un jour mangé la poignée de mon four à micro-ondes et il y avait souvent des nids de souris dans mon atelier, qui était l’endroit le plus chaud de la maison. Mais je n’avais rien contre ces petits intrus. Au contraire, leur présence avait quelque chose d’authentique, comme ma barbe pleine de neige lorsque je reviens à la maison après une randonnée de ski.
Cette école de rang avait également des liens importants avec ma famille. Ma grand-mère, qui m’a transmis son amour profond de la nature et dont le nom de jeune fille est devenu mon nom de scène, y a fait ses études. Une partie de ma famille est enterrée dans un cimetière voisin. Nous sommes présents dans cette région depuis longtemps.
Je pense que lorsque vous grandissez sur le Bouclier canadien, il y a un sentiment de stabilité, une fondation inébranlable qui ne se remarque pas vraiment, mais je sens que cela me procure une certaine paix intérieure. Le métier de musicien manque de stabilité, et c’est une chose à laquelle j’aspire. Cet endroit a toujours été magique pour moi.